6 MARS - ROMAN France

La jeunesse, c'est un peu comme une maladie de langueur, dont on ne se remet jamais vraiment. Surtout quand, à l'image des héros de Milan Dargent, trois jeunes Lyonnais dans les années 1980, on nourrit les plus folles espérances : devenir des stars du rock, par exemple.

Photo DR/LE DILLETANTE

On est à Lyon, donc, en 1983. La très conservatrice capitale des Gaules et sa bourgeoisie peinent encore à admettre la victoire de François Mitterrand, deux ans plus tôt, et la gauche au pouvoir pour la première fois depuis le Front populaire ! Cela dit, certains, à l'image du père de Guillaume et Julien, avocat d'affaires et adjoint UDF au maire, commencent à s'en accommoder, d'autant que le très pragmatique Pierre Mauroy, un socialiste à l'ancienne, est en train de découvrir les dures réalités de l'économie et de faire prendre à la France, déjà, "le tournant de la rigueur ».

Guillaume et Julien, eux, sont de gauche, ne serait-ce que pour enquiquiner leur paternel. L'aîné a voté Mitterrand, l'autre était encore trop jeune de quelques mois. Ils se veulent des rockeurs purs et durs, fans absolus du Velvet, de Bowie (jusqu'à Let's Dance, jugé trop commercial) et de quelques stars moins connues comme le grand Elliott Murphy, entre autres, de quelques groupes improbables et underground, et même un peu punks sur les bords. De là à créer un groupe, il n'y a qu'un pas. Naissent donc les Futuristes : Guillaume compose, écrit les paroles et les chante, Julien le cadet s'essaie à la guitare, Jo s'escrime sur sa basse. Quant à la batterie, après l'éphémère Romain, elle est assurée par une boîte à rythmes. Pourquoi pas ? Sauf que les Futuristes sont effroyablement mauvais. Leurs chansons sont tartes, ils les jouent mal, se plantent sur scène et accumulent les galères. Ils ratent aussi les coches : quand leur manager, l'habile Lerik, fils d'un marchand de tapis arménien, leur décroche la première partie de Supertramp, ce qui pourrait les faire connaître et remarquer par une maison de disques, ils refusent, indignés. Ce groupe, c'est de la soupe, de la "variété"... Leurs rivaux, les Andersen, sauront, eux, saisir leur chance, même fugace.

Car personne, dans tout ce petit milieu musical lyonnais, ne réussira vraiment. Certains, comme Guillaume, rentreront dans le rang : il épousera sa riche banquière, montera à Paris faire carrière au ministère du Travail, et finira vraisemblablement par voter à droite ! Les autres traîneront longtemps leurs regrets, à preuve cette reformation pathétique des Futuristes, en 1996, pour le remariage de Jo. Un ultime désastre.

Ce troisième "rock roman" de Milan Dargent au Dilettante, sans doute assez autobiographique, surfe sur la nostalgie et les illusions perdues, avec tendresse et humour, un joli brin de plume, et une BO éclectique, à passer dans toutes les "boums", ancêtres des "teufs".

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