Les bibliothèques évoluent dans un monde dont le visage change sous nos yeux. L'observation des événements qui touchent la sphère marchande doit conduire à une réelle prise de conscience de la situation dans laquelle elles se trouvent et à en tirer effectivement les conséquences sur les services à proposer à la population. L'année commence par l'annonce de la cessation de paiement de Virgin. Il y a encore quelques années l'enseigne était florissante et après 4 fermetures de magasins en région en 2012, c'est désormais le navire amiral des Champs-Elysée qui risque de disparaître en 2013. Le concurrent direct que constitue la FNAC se porte juste moins mal… Si les Espaces culturels Leclerc semblent moins affectés le nombre de créations ralentit. Ces trois enseignes généralistes ressemblent, dans le monde commercial, aux médiathèques qui sont désormais dans la plupart des villes. En effet selon la synthèse sur les BM, 69% des établissements implantés dans les communes de plus de 5000 habitants offrent des CD et/ou des DVD en plus des livres. Le téléchargement, le streaming, l'achat à distance érodent la fréquentation des grandes surfaces culturelles comme ils ont eu raison très rapidement des vidéos club qui avaient pourtant connu leur heure de gloire. La perte d'attractivité des documents inscrits sur des supports matériels concerne et continuera de concerner les médiathèques. Les pratiques de nos contemporains sont en train de changer et les jeunes (qui sont aussi les publics de demain) sont à la pointe dans cette migration des modes d'accès à la musique et aux films. Quelles sont les réponses des bibliothèques face à cette mutation? Le repli sur le livre et le papier ne semblent pas une réponse très solide. Si le marché du livre connaît avec 2012 une évolution négative pour la troisième année consécutive (-1 à -1,5% nous dit C. Ferrand dans son dernier édito), la tendance est sensiblement plus lourde pour les libraires de 1er et surtout de 2e niveau (respectivement autour de -2% et -4,5%). Le livre papier lui-même est donc affecté par un reflux des pratiques de nos contemporains. La presse n'est pas en reste puisque les tirages de la presse quotidienne nationale sont orientés à la baisse depuis de nombreuses années (Voir ici: http://expositions.bnf.fr/presse/arret/06.htm ) et les quelques titres qui subsistent ne parviennent pas à freiner la tendance. Ainsi donc tous les supports sur lesquels les bibliothèques devenues médiathèques ont fondé leur existence font l'objet d'une remise en cause discrète mais bien réelle de la part d'une partie croissante de nos concitoyens (notamment jeunes). Le constat n'est pas nouveau mais ses conséquences visibles sur leurs cousins marchands ne peuvent pas laisser croire aux bibliothèques qu'elles pourront échapper à une remise en cause de leur existence. Elles ont déjà opéré bien des changements (elles sont devenues médiathèques à partir des années 80, offerts Internet en libre accès aux usagers à partir des années 2000) et doivent encore affronter une nouvelle mutation. Celle-ci ne consiste pas tant à accueillir un nouveau type de document ce qui n'était pas difficile puisqu'il s'agissait d'inscrire un nouveau support dans le cadre de la bibliothèque. Le pas à franchir est plus grand car il consiste à renoncer à fonder la bibliothèque sur ses collections. Bien sûr la bibliothèque peut (et doit) tout à fait exister à travers les collections (y compris actuelles et intégrant la musique et les films) qu'elle met en ligne mais cette fonction de la bibliothèque peut tout à fait exister à l'échelon régional ou national. Donc localement la bibliothèque, si elle offre des collections encore sur supports, se définit d'abord par son lieu et elle est déjà largement utilisée dans cette direction. C'est donc tout logiquement que l'on pourrait désigner l'évolution de la bibliothèque comme un «espace public d'information» (EPI) sauf que le terme apparaîtrait sans doute bien abstrait et bureaucratique à nos contemporains. Il ne s'agit pas d'un espace public comme il en existe d'autres (hall d'une mairie, accueil de la CAF, gare, etc.) mais d'un lieu défini par le fait qu'on y trouve et manipule de l'information à la fois sous forme matérielle ou dématérialisée à travers des collections ou des écrans. C'est un espace public, libre d'accès et qui garantit une diversité et pluralité d'informations. Il exprime l'aspiration de la collectivité à ne pas délaisser l'information à la sphère marchande. Dans une société de l'information, la sphère publique peut légitimement prétendre à participer à la diffusion, la régulation, l'animation, l'échange autour de l'information au sens le plus large du terme. Ce lieu accueille ceux qui sont en quête d'informations mais aussi ceux qui souhaitent apprendre, partager ou rêver à partir d'informations de toutes sortes. C'est ce nouveau visage de la bibliothèque qu'il faut dessiner en cette nouvelle année!
15.10 2013

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