Ciel ! Déjà le 15 janvier et je n’ai plus alimenté ce blog depuis la veille de Noël, ou quelque chose comme ça. La raison en est fort simple. C’est qu’il s’intitule « vie d’écrivain », ce blog, et qu’hormis une participation des plus minimalistes à ce qu’il est convenu d’appeler « les fêtes de fin d’année », ma vie d’écrivain a principalement consisté, durant la période, à lire et à écrire. Ce qui n’offre pas grand-chose à raconter. Un lecteur vient de m’envoyer une lettre (ça arrive) où il me parle entre autres choses de l’écart et de la durée considérés comme des éléments fondateurs du roman (au même titre que la pesée ou la résistance des matériaux le sont en architecture). Il ne croit pas si bien dire. Je viens de passer trois semaines à me préoccuper de la guerre de 1914-18, et des conséquences qu’elle a eues sur l’existence de cinq ou six personnages qui n’existent que dans mon imagination, et qui, de toute manière, sont tous morts depuis assez longtemps. Pour le coup, il y en avait, de l’écart et de la durée. Et un froid de canard, en outre, à vous décourager même de sortir pour aller ne serait-ce qu’au cinéma. A tel point que je me suis demandé dans quelle mesure j’appartenais encore au monde des vivants. Je me soigne, rassurez-vous (mais vous n’étiez peut-être pas inquiets). * J’ai écouté in extenso, sur le site de la présidence, le récent discours de Nicolas Sarkozy sur la culture (à Nîmes, le 13 janvier). Il fut question de cinéma, de télévision, d’architecture, de musées. Avec des idées dont certaines n’étaient pas mal, soyons honnête (il faudra voir le résultat). Il y a toutefois certaines récurrences verbales qui m’ont intrigué. J’en citerai trois : « diversité », « ouverture » et « identité ». « Qui ne sont pas contradictoires. » Combien de fois a-t-il répété ça ? La culture, c’est de l’identité ouverte à la diversité. Figurez-vous. Diversement diverse, et ouverte à l’ouverture. Prenez le château de Versailles pour l’identité, Jeff Koons pour l’ouverture, et hop ! Emballez, c’est pesé. A noter au passage qu’on ne voit pas du tout ce qu’un(e) président(e) de gauche aurait dit de foncièrement différent. Ce sont les jolis mots qu’il convient de prononcer. Du discours politique considéré comme un lâcher de ballons ! Et plus personne ne se demande ce que ça veut dire. Sauf moi. Moi, je le demande. La culture, l’identité. On veut dire quoi ? Kafka, c’est de l’identité ? Woody Allen, c’est de l’identité ? Vous allez au théâtre, vous lisez un livre, c’est de l’identité ? Identité de quoi, de qui ? Ou bien alors c’est de l’ouverture ? Et la diversité ? C’est quoi, la diversité ? Vous voulez dire qu’Amy Winehouse, c’est pas tout à fait pareil que Chimène Badi ? Certes. Mais enfin, de quoi on parle ? Un candidat au bac se ramasserait un 2/20 avec des notions aussi confuses. Et puis quel rapport établit-on au juste entre le succès populaire de Bienvenue chez les Chtis , le Nobel de Le Clézio, l’exposition Picasso et les maîtres ? Que c’est tout de la culture ? Je redemande : de quoi on parle ? * Et puis alors, en dehors du coup de chapeau à J.M.G. Le Clézio , pas un mot sur le monde du livre, de l’écrit, de la littérature ; et pas un mot non plus sur la langue française. La langue française, ça ne doit pas être de la culture. Ni de l’identité. Ça sert juste à comprendre de quoi on parle. Mais justement, on ne le sait plus…