La collection « Americana », pilotée par Philippe Beyvin chez Gallmeister, propose un roman sur la Première Guerre mondiale. Compagnie K date de 1933. Son auteur, William March (1893-1954), s’est engagé dans l’US Marine Corps et a combattu en France, d’où il est revenu décoré de la croix de guerre, de la Navy Cross et de la Distinguished Service Cross. Le livre, qu’il mit dix ans à écrire, donne tour à tour la parole à des soldats, des caporaux, des lieutenants, des sergents, des adjudants-chefs. Le départ est donné par le soldat Joseph Delaney qui confie son envie de parler de sa compagnie. Il y a le camp d’instruction en Virginie. Des bleus embarquant sur un navire pour aller participer à une guerre censée mettre fin à « l’injustice ».
Les hostilités sont engagées à Verdun en décembre 1917. Les diverses voix qui se succèdent montrent la mitraille, les fusées qui fendent la nuit, les champs de bataille détrempés, les barbelés emmêlés, les arbres calcinés, les gaz, les billes de shrapnels. Comment il faut monter à l’assaut, se replier, se battre parfois à la crosse et au couteau.
Voici un chien choqué par les explosions d’obus qui vrillent et sifflent sans le ciel. Celui qui découpe une photo de Lillian Gish dans un magazine pour s’en faire un porte-bonheur. Celui qui ne peut plus avancer, se terre dans un trou d’obus et reçoit une balle de son lieutenant. Le soldat Carter, lui, enfonce sa baïonnette dans le corps du lieutenant Archibald Smith parce qu’il croit qu’il a une dent contre lui… Voici encore ceux qui se demandent s’ils vont s’en tirer, ce qu’ils feront après. Ceux qui tombent au combat. Ceux qui se réveillent dans les vapeurs de l’éther à l’hôpital avec plus ou moins de dégâts…
Les courts chapitres de William March sont autant d’épiphanies. Au détour d’une page, on croise même le soldat inconnu. En train de hurler d’une voix stridente lorsque surgit une sentinelle allemande… Compagnie K est de ces textes qui vous prennent à la gorge et ne s’oublient pas.
Al. F.