En mai 1918, Joë Bousquet fait partie de la 3e compagnie du 1er bataillon. Le sous-lieutenant est spécialiste des missions difficiles. Avec ses hommes, il doit tenir une "forteresse imaginaire", essuyer le feu des obus et des balles. Tous se retrouvent bientôt encerclés "sur trois côtés". Droit dans ses bottes rouges, Joë garde la tête haute, le torse bombé. Un projectile d’acier de trois centimètres de long lui traverse la poitrine en lui déchirant deux poumons et en lui fracassant deux vertèbres. Sans le tuer, mais en l’obligeant à passer alité le reste de son existence.
L’homme couché va devenir l’écrivain que l’on sait. Un prosateur à qui Guillaume de Fonclare consacre un mince et puissant volume. L’ancien directeur de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne est entré tard dans la "jungle sauvage et touffue" qu’est l’œuvre de Bousquet, peinant d’abord à y avancer avant de ne plus pouvoir s’en passer. L’auteur de Dans ma peau (Stock, 2010, repris au Livre de poche) colle au plus près à son sujet. Lui qui souffre d’une sale maladie neuromusculaire et doit se déplacer en fauteuil électrique évoque formidablement le Méridional, à qui il s’adresse.
Revoici bien vivant celui qui a été un survivant dès son plus jeune âge. Un rebelle qui a toisé le destin, tracé sa route jusqu’à sa mort le 28 septembre 1950. Un être coupé en deux, au regard d’oiseau de proie blessé qu’éclaire Fonclare avec son écriture et son intelligence. En le montrant entrer en littérature, s’enflammer pour Marthe qui lui apprend à aimer une femme autrement que pour son corps, Ginette qui va faire de lui un homme épanoui ou Germaine, "Poisson d’or" avec qui il trouve le bon équilibre.
Al. F.