9 NOVEMBRE - MUSIQUE France

Béatrice Vallaeys, l'une des dernières Mohicanes de la folle époque de Libération, rappelle, dans sa préface à ce très chouette album, que, dès sa création en 1973, Libération a été le premier quotidien généraliste à accorder autant de place à la musique. Et que "la critique musicale à Libération ne ressemble à aucune autre ». Ce fut vrai jusque dans les années 1980, ce ne l'est plus aujourd'hui, et ça peut s'expliquer.

A l'origine, Libé était une espèce de fanzine gauchiste créé par une bande de post-soixante-huitards adeptes de ce qu'on appelait alors la "contre-culture". Où le rock était fondamental et prépondérant. Ce qui valut au journal quelques chefs-d'oeuvre, comme, à l'été 1977, la BD inspirée à Alain Pacadis par le Berlin de Lou Reed, ou encore, ce même été, un numéro entièrement consacré à la mort du King Elvis. Rapidement et le premier souvent "taxé de snobisme, pire d'élitisme », reconnaît la préfacière, Libération a intégré dans ses pages toutes les musiques : rock'n'roll et punk dans les 70's, rap, hip-hop et world dans les 80's, techno et new wave dans les 90's. Le tout saupoudré d'un peu de chanson française fréquentable : Manset, Murat, Bashung, Dutronc, Gainsbourg, Christophe...

Et aujourd'hui, quoi ? Tout cela s'est atomisé. L'underground est devenu culture dominante, et le fanzine rebelle un journal BCBG.

Le dernier-né de nos quotidiens nationaux adore les rétrospectives, et se regarder la morasse (quand il y en avait encore). Au fil des pages, on redécouvre avec étonnement ses audaces, son ton unique - qui se sont bien banalisés. Son inventivité foutraque, qui était aussi celle d'Actuel jusqu'au sabordage de 1975. Tant de choses qui ne sont plus imaginables de nos jours, où la "pompe à phynances" limite la création.

Une lecture nostalgique, bien sûr, d'autant que Libé a toujours fait fort dans les nécros : les mânes de Marley, Lennon, Gainsbourg, ou Bashung peuvent en témoigner. Mais aussi stimulante : dématérialisée, sinistrée, la muzak a tout envahi. Mais la musique, elle, la bonne, la vraie, n'a jamais été aussi vivante. Chaque jour, de jeunes groupes donnent de beaux concerts, y compris "en région" et dans de modestes salles. Fidèles à cette "rock'n'roll attitude" qui fut celle de Libération à ses débuts.

Les dernières
actualités