Librairie : il est urgent de ralentir

Anaïs Massola dirige la librairie Le Rideau rouge à Paris et préside l'Association pour l'écologie du livre. - Photo Olivier Dion

Librairie : il est urgent de ralentir

Dans l'ensemble du cycle de vie d'un livre, la phase qui génère le plus d'impacts environnementaux est la fabrication. Pour autant, les libraires en bout de chaîne ont aussi un rôle à jouer.

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Par Souen Léger
Créé le 15.07.2024 à 18h30

« Êtes-vous exposés aux risques liés aux changements climatiques et à la crise écologique ? Oui. Or nous avons envie qu'il y ait des librairies dans un monde post-pétrole où l'énergie va continuer à coûter plus cher, où les vagues de chaleur seront plus fréquentes, etc. », interpelle Fanny Valembois, coautrice avec David Piovesan d'une étude sur l'écologie en librairie pour la Fédération européenne et internationale des libraires (EIBF).

À travers les transformations écologiques, c'est bien l'avenir des librairies qu'il s'agit aussi de garantir. Agir peut commencer par des gestes d'adaptation, comme les économies d'énergie. À La Rochelle, la librairie Gréfine a par exemple remplacé toutes ses ampoules par des panneaux LED, permettant de diviser par trois la facture d'électricité, et de rentabiliser les travaux en une seule année.

Agir sur les achats... et les transports

Mais en librairie, le poste ayant le plus d'impact reste bien souvent celui des achats de livres. D'après le laboratoire The Shift Project, qui a réalisé le bilan carbone d'une librairie située dans une ville de 10 000 habitants, les achats de livres et de papeterie représentent 67 % des émissions. « On peut donc envisager de ralentir les commandes et les livraisons, de privilégier des éditeurs éco-engagés, ou encore de proposer des livres d'occasion », énumère Fanny Valembois, qui a contribué au rapport « Décarbonons la culture ! » publié par The Shift Project en 2021.

Le même exercice, réalisé pour une librairie en zone rurale, révèle que les déplacements des clients sont supérieurs aux émissions liées à la fabrication des livres. « La manière dont les clients viennent en librairie est un point aveugle que nous essayons de creuser. Est-on sûrs que les clients se déplaceront si l'essence continue à flamber ? », questionne Fanny Valembois. À Rennes, pour mettre en avant l'offre de transports en commun, la librairie Le Failler propose 5 % de réduction sur présentation de la carte d'abonnement. Mais il peut aussi s'agir d'améliorer l'accueil des clients à vélo, avec un parking sécurisé ou un espace pour laisser son casque.

Délicate décroissance

« La priorité est d'avoir une démarche d'autodiagnostic », souligne Fanny Valembois, rappelant qu'une grille d'autoévaluation figure dans l'étude menée pour l'EIBF. « Il s'agit de se demander qui est intéressé dans l'équipe, qu'est-ce qu'on a envie de travailler et pourquoi ? Et prendre le temps d'y réfléchir pour ne pas se perdre », conseille-t-elle.

Prendre le temps. Ralentir. Là est peut-être l'urgence pour un virage écologique en librairie.

Entre janvier et juin 2024, l'Association pour l'écologie du livre, présidée par la libraire du Rideau rouge à Paris (XVIIIe) Anaïs Massola, a mené une recherche-action proposant « une trêve de nouveautés pour les libraires ». L'objectif ? Faire des pauses dans l'achat des nouveautés, afin de reprendre en main du temps de travail, et de « se créer des respirations fortes » pour se préoccuper différemment des livres.

À Lyon, dans une approche décroissante, la librairie Terre des livres a par ailleurs testé des horaires réduits de mai 2020 à mai 2023, avec une ouverture uniquement les après-midi durant la période post-Covid, puis une réouverture les matins à partir de mai 2023. « Nous n'avons toujours pas rouvert entre 18 heures à 19 heures, mais nous devrons peut-être le faire prochainement pour garder nos emplois, compte tenu du tassement de l'activité », explique la libraire Marguerite Martin. La preuve par l'exemple que les conditions d'une transformation profonde de la librairie, et de la chaîne du livre dans son ensemble, restent à trouver, loin des recettes miracles. S. L.

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