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Je suis venu à Paris peaufiner quelques détails de mon prochain roman et tout mon temps est pris par la promotion de Doglands », déclare gentiment Tim Willocks, auteur britannique reconnu de polars (dont La religion, paru en 2009 chez Sonatine et repris en septembre 2011 en Pocket), venu présenter son premier texte pour la jeunesse qui paraît le 29 mars chez Syros. Tandis qu'Allia proposera le 3 mai, en version bilingue, La cavale de Billy Mickelhurst, nouvelle écrite il y a dix ans pour le magazine des SDF The Big Issue.

Tim Willocks explore les genres comme il a exploré les métiers : en expérimentateur. Il a, en effet, été successivement chirurgien, spécialiste du traitement psychiatrique des héroïnomanes, scénariste. Après Bad city blues (traduit en 1999 à L'Olivier) et Green river (réédité en 2010 par Sonatine) dans la grande tradition du roman noir, avec pour dénominateur commun la violence, les errements psychiques et l'enfermement, il est parti à l'assaut de l'histoire et des religions, voyant dans les guerres et les enjeux politiques des XVe et XVIe siècles le portrait de notre époque. Premier volume d'une trilogie consacrée à Matthias Tannhauser, mercenaire marchand d'armes et d'opium, La religion met en scène les chevaliers de Malte en lutte contre l'armée ottomane en 1565. Le second auquel il travaille, Les douze enfants de Paris, a pour cadre la France ensanglantée de la Saint-Barthélemy. "La Saint-Barthélemy est un choix politique, davantage une guerre de civilisation qu'une guerre religieuse. Il s'agit pour le pouvoir centralisé de soumettre tous les potentats locaux à l'autorité du roi : comme la guerre des Deux-Roses en Grande-Bretagne, elle symbolise la naissance de l'Etat", analyse-t-il. Il n'en reste pas moins soucieux du détail historique : "Je voulais que mes héros entendent une horloge publique et j'étais content de découvrir que l'horloge de la Conciergerie existait... Hélas, elle a été construite par Henri III en 1574 et mon histoire se passe en 1572 !" Mais c'est en romancier noir qu'il aborde l'histoire, s'attachant avant tout "à ce que ressentent le petit peuple, les gens de la rue, et même les criminels. Qu'ont-ils fait pendant cette nuit tragique ?" s'interroge-t-il.

A l'opposé, Doglands a représenté un espace de liberté "sans enjeu, sans personne à séduire ni décevoir", un petit texte qu'il dit avoir rédigé d'un seul jet en six semaines, une fois la première phrase - "Il était une fois dans les Doglands" - posée sur le papier. «Il m'a débloqué et libéré. J'ai vu que je pouvais écrire sans passer cinq ans sur un livre comme je l'ai fait sur Les douze enfants de Paris. J'ai d'ailleurs une suite en tête", annonce-t-il. Feargal, un chien qu'il a recueilli dans sa maison d'Irlande, couvert de cicatrices et de plaies, a servi de modèle à Furgul, chien-loup sauvage héros et narrateur de Doglands. "Ce ne fut pas facile de se mettre dans la peau d'un chien : il a des sensations très organiques par rapport à la nature, à la nourriture, au chaud et au froid, mais pas une vie aussi sophistiquée que la nôtre", commente-t-il. Dénonçant l'enfermement et la maltraitance des lévriers élevés pour la course, il juge modestement que son texte est "un conte de fées, une histoire simple vue à travers le regard d'un chien, un roman qui traite de la loyauté et de l'amitié, de la nature et de la force physique".

Karaté et poker

Tim Willocks est avant tout un conteur, ajoutant une pointe de fantastique quand il le faut. Les Doglands, lieu mythique par excellence, incarnent la nature sauvage et la liberté. Furgul entend la voix de ses ancêtres dans les vents. Billy Mickelhurst est tourmenté par les esprits du cimetière "luttant pour s'échapper de la terre". Tandis que La religion a le souffle épique des grandes sagas anglo-saxonnes, pleines de chevaliers et gentes dames, de guerres, de luttes intestines dans un décor naturel grandiose.

Si Tim Willocks avoue écrire depuis son plus jeune âge, il a d'abord été "sérieux", mais il a vite senti que ses études de médecine le menaient à "une carrière toute tracée, refermant les portes de la prison sur lui". Scénariste heureux - Bad city blues et Sin ont été réalisés par Michael Stevens (1999 et 2003) et An unfinished journey par Steven Spielberg (1999) -, il se consacre à l'écriture de romans depuis six ans, la jugeant moins frustrante car "un livre reste un livre même s'il n'est pas publié". Contre toute attente, ce champion de karaté, né en 1957 à Manchester, craint la panne, celle des auteurs de best-sellers. Sans doute parce que ce joueur de poker veut rester libre d'expérimenter

Doglands, Tim Willocks, traduit de l'anglais par Benjamin Legrand, Syros, 16,90 euros, 354 p., ISBN : 978-2-7485-1179-6. Sortie : 29 mars.

La cavale de Billy Mickelhurst, Tim Willocks, traduit de l'anglais par Benjamin Legrand, Allia, 3 euros, 66 p., bilingue, ISBN : 978-2-84485-568-8. Sortie : 3 mai.

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