6 février > Premier Roman Etats-Unis

Longtemps, l’Espagne fut pour les écrivains et cinéastes américains mieux qu’un horizon, un «pré-texte ». C’était au siècle dernier. Hemingway s’y donnait un genre bravache, Orson Welles y oubliait ses déboires, Henry Miller y promenait sa nostalgie de la place Clichy. Il y avait des taureaux, des femmes, des nuits qui n’en finissaient pas, une proposition low cost de petite mythologie portative. C’est sur ces traces-là qu’Adam Gordon, sans le vouloir (et même en éprouvant à leur égard un certain dégoût), règle à son tour son pas. La vingtaine indolente, ce jeune poète américain a obtenu une résidence d’écriture à Madrid pour un fumeux projet autour de « la poésie au temps de la guerre civile ». En fait de quoi, Adam fume, glande auprès des dealers du parc du Retiro, drague vaguement, chatte avec son meilleur ami en voyage initiatique au Mexique, participe à des matinées poétiques et, en toutes choses, procrastine. Adam attend. Que quelque chose survienne. Ce sera, le 11 mars 2004, les attentats islamistes en gare d’Atocha.

Au départ d’Atocha est le premier roman du jeune (34 ans) poète, essayiste et critique américain Ben Lerner. Si l’on veut bien considérer qu’il y a dix ans Lerner séjourna à Madrid à l’instigation d’un programme d’échange étudiant, il n’est pas interdit de penser qu’il soit un peu autobiographique. Qu’importe. Qu’importe aussi la prévention que son héros (et Lerner lui-même) semble entretenir envers le roman, c’est un prodige de grâce, d’intelligence et de drôlerie. Ce work in progress tout d’échappées belles semble chercher au fil de sa lecture son centre, une cohérence qui manque d’abord à ce pauvre Adam. Cette quête, du livre et de son héros, est passionnante. Roman de formation sur la mélancolie d’une nouvelle «génération perdue », Au départ d’Atocha a été salué aussi bien par Paul Auster que par Edmund White. On ne saurait leur donner tort. O. M.

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