Crans-Montana est une station touristique suisse, située dans le canton du Valais, et dont la réputation semble née d’une rumeur ouatée de luxe, calme et volupté, à base de pistes de ski, de parcours de golf, de boîtes de nuit un peu passées de mode et de rencontres internationales pour maîtres du monde en goguette. Si l’on se souvient bien, Michèle Morgan, Roger Moore ou Sophia Loren y firent les intéressants.
A lire Monica Sabolo, ils ne furent pas les seuls. Fantômes familiers, doux oiseaux de jeunesse, quelques jeunes gens et trois jeunes filles, surgis des folles années 1960, en fuseaux et voitures de sport, y ont laissé l’empreinte de leur beauté, de leur chagrin. Les filles, c’était "les trois C". Deux françaises, Chris et Charlie, et une italienne, Claudia. Les garçons, une bande de ragazzi de bonne famille, venus de Paris ou de l’autre côté des Alpes, souvent juifs, toujours dans l’indécision d’eux-mêmes. Comme échappés d’un roman de Modiano, ils s’appellent Serge Chubowska, Max Mollanger et Patrick Saincère.
On sait depuis Tout cela n’a rien à voir avec moi (Lattès, 2013, prix de Flore) que Monica Sabolo aime agiter les grelots de la mémoire. Plus que Modiano ou Berthet, influences tutélaires revendiquées, ce Crans-Montana, d’une beauté comme figée à jamais dans les glaces de son décor, chasserait plutôt du côté de l’élégance d’un Jean-Jacques Schuhl, d’un Thierry Dancourt, tandis que ses héros, pâles fantômes mélancoliques, ont quelque chose de ceux du Bassani de Ferrare, du film de Valerio Zurlini, Le professeur. On ne se remet jamais tout à fait de sa jeunesse; mais chez Monica Sabolo ce deuil se présente au lecteur en habit de fête. Olivier Mony