20 mars > Récit France

Aristo ? est un texte autobiographique dans lequel Valentine de Ganay raconte son enfance. Petite dernière d’une grande famille noble et encore fortunée, elle tente à travers ce récit une perspective sociologisante, afin de rendre compte de ce qu’est l’aristocratie aujourd’hui, avec ses codes, son mode de vie toujours un peu en marge du vulgum pecus. Le livre est constitué de courts chapitres centrés autour d’une saynète ou d’une anecdote, très personnel. Car, même si, durant dix ans, elle a tiré des bordées, tenté de rompre avec ses origines en prenant par exemple pour amant Serge, un ex-Yougoslave, chef de guerre marxiste et escroc devenu milliardaire, puis fait un mariage exogame avec Frantz, un plasticien allemand « gauchiste », qu’elle est parvenue à imposer à ses parents, Valentine de Ganay demeure aristocrate, snob et élitiste. Difficile d’échapper à ses gènes, lorsqu’on est la fille de Philippine de Noailles de Mouchy de Poix, nièce de Marie-Laure, la comtesse surréaliste, et de M. de Ganay, qu’on a été élevée dans un château, qu’elle appelle Lurances et possède aujourd’hui, et que goûter chez sa grand-mère vous dispense d’aller au Louvre.

« Soyez classique », a conseillé Philippe Sollers à Valentine quand elle lui a montré ses tentatives littéraires. C’est le deuxième éditeur qu’elle a connu, après Christian Bourgois. Mais ni l’un ni l’autre ne l’ont publiée. Il faut dire qu’à part s’occuper de son heureuse famille, avec ses trois filles, on ne sait pas très bien ce que fait de sa vie cette éclectique : trapèze, boxe, jardinage, fêtes… Et écriture, avec d’ailleurs une plume élégante et vive. Nombre de pages d’Aristo ? sont drôles, par exemple lorsqu’elle raconte les visites à Lurances de quelques people. Comme le prince Charles, mélancolique et solitaire. Ou encore François Mitterrand, pour qui les Ganay n’avaient pas voté et à qui ils firent sentir qu’il était tout sauf le bienvenu : le père reçut le Président ceint de son écharpe de maire de son village, donc en tant qu’élu et non en tant qu’hôte…

Le ton change vers la fin du livre, lorsque Valentine de Ganay entre dans le plus personnel : son affection pour son père qui, somme toute, avait pris son parti des frasques de sa cadette. « Vous avez les amours d’une femme de chambre », lui avait-il dit. Ce père qui a aujourd’hui disparu, et avec lui tout un pan de la noblesse de France. Jean-Claude Perrier


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