Du 28 au 30 septembre, le Congrès annuel de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU) a fait le point sur l’avancée de la science ouverte dans les Universités et bibliothèques universitaires. Le Président de l’Association, Marc Martinez, revient sur les chantiers qu'elle induit.
Qu’avez-vous appris de ces échanges autour de la science ouverte ?
J’ai pris la mesure des efforts encore à réaliser pour la faire avancer. La sociologue Christine Musselin a replacé les bibliothécaires dans un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs dans les universités, emblématiques de leur gouvernance (entre la direction générale des services, la présidence, les directions de départements…). Les efforts et convictions des bibliothécaires ne suffisent pas.
Le physicien-chercheur Jean-Sébastien Caux de l'Université d’Amsterdam a appelé à faire preuve de davantage de militantisme.
Le militantisme des bibliothécaires est indispensable pour faire avancer au quotidien et sur le terrain la science ouverte dans toutes ses dimensions : ouverture des publications et des données, plans de gestion des données de la recherche…
Quant aux chercheurs militants, c’est bien et nécessaire. Les chercheurs capables d’investir les structures de pouvoir de l’Université, c’est encore mieux. Ils doivent être accompagnés par des personnes capables d’injecter leurs idées dans les instances décisionnelles et de comprendre la complexité des dispositifs nationaux, qu’on peut par ailleurs nous envier.
Peut-on être “fiers”, comme on a pu l’entendre au congrès, de la politique centralisée française pour la science ouverte ?
On nous l’envie et à juste titre, pour autant qu’on la voie de loin. Elle permet d’avoir une cohérence nationale, contrairement au modèle allemand par exemple, fragmenté et complexe, car les décisions politiques en la matière y sont faites principalement au niveau des Länder. Mais on pourrait utilement imiter nos partenaires allemands pour l’intensité des investissements pérennes que les politiques consentent à la recherche et à la science ouverte…
Comment évoluent les moyens des BU françaises ?
Nos BU accusent un net retard de moyens pérennes par rapport à leurs homologues européennes, et ce retard s’accroît année après année. C’est un frein au développement de l’offre de services pour les communautés étudiantes et de recherche française, un frein pour la réussite étudiante comme pour l’excellence de la recherche, deux impératifs stratégiques du pays. Les membres de l'ADBU vont donc travailler à un Plan BU 2030 qui posera le diagnostic et proposera un plan de rattrapage pluriannuel pour une remise à niveau financière et stratégique.
Modèle or, diamant, gris, vert… Faut-il en choisir un seul ?
Il y a de la place pour tous les modèles. Physiciens, juristes, médecins, mathématiciens n’ont pas les mêmes pratiques de recherche, donc la réponse ne peut être uniforme. On ne peut décider depuis Paris une politique nationale d’outil unique, mais plutôt s’entendre des outils communs et interopérables entre eux, comme la plateforme de référence HAL. Le principe que défend l’ADBU est celui de la bibliodiversité, avec de la place pour tous les acteurs de la publication scientifique. Nous sommes convaincus qu’on ne parviendra pas — et ce ne serait pas sain — d’imposer un modèle unique.
Les BU ont-elles un rôle de premier plan dans la science dite « participative », c’est-à-dire celle à laquelle des non-scientifiques peuvent contribuer ?
La science avec et pour la société est un objet dont les universités ont commencé à s’emparer. Il est peu présent encore dans les bibliothèques universitaires mais constitue un prolongement quasi-naturel des politiques de science ouverte qu’elles portent au sein de leurs établissements et au niveau national. Je suis persuadé qu’elles ont beaucoup à y contribuer et à y gagner en termes de travail décloisonné avec d’autres services des universités, en atteignant un public plus large que celui qu’elles desservent naturellement.