Martine, la jeune fille la plus célèbre de la littérature jeunesse fête son 70^e anniversaire le 20 mars. Créée en 1954 par Marcel Marlier et Gilbert Delahaye, la série est éditée chez Casterman et compte 60 albums publiés pour 120 millions d’exemplaires vendus en langue française et 45 millions en langues étrangères. Entretien avec Céline Charvet, directrice de Casterman Jeunesse, pour analyser le phénomène Martine, icône populaire pour de nombreuses générations.

Livres Hebdo : Comment expliquez-vous ce succès de maintenant 70 ans ?

Céline Charvet : Il y a plusieurs raisons, d’abord les talents de Marcel Marlier et ses dessins qui restent dans la rétine. Tout le monde a en tête l’image d’un album grâce à la qualité, le réalisme et les émotions de Martine. Ses illustrations ont traversé le temps et les dessinateurs d’aujourd’hui sont fans de Marcel Marlier, car il est inégalable.

Puis, Martine est intemporelle, elle incarne une enfance gaie, optimiste, curieuse, innocente et insouciante. C’est comme une enfant idéale. Elle incarne un univers où on a le droit d’être un enfant avec des libertés. Aucun autre personnage n’a eu cette pérennité et a marqué autant de générations avec sa joie de vivre. Martine appartient à tout le monde et tout le monde la connaît. On l’aperçoit aussi via les détournements de ses albums liés aux événements dans l’actualité.

Comment Casterman va célébrer cet anniversaire ?

Nous publions Martine. L’éternelle jeunesse d’une icône, réalisé par Laurence Boudart, un livre hommage sur sa création et sa notoriété à travers la littérature jeunesse. Il y aura aussi Martine à Paris, un titre fort à paraître le 20 mars pour son anniversaire et aussi pour les Jeux Olympiques qui approchent cet été. Il sera tiré à 40 000 exemplaires pour commencer et également publié en version anglaise. Un coffret sera aussi commercialisé avec 5 des titres les plus connus comme Martine petit rat de l’opéra, Martine à cheval ou encore Martine fête son anniversaire.

Les éditions Casterman organisent une exposition à la galerie Gallimard le mercredi 20 mars, jour de l’anniversaire, de 10h à 19h. Une cinquantaine de d’originaux sera présentée, les dessins sont restés d’une éclatante couleur et très vivide, c’est impressionnant. L’exposition racontera comment Martine a grandi et accompagné la société avec ces modernités comme les voyages, les congés payés, les appareils électroniques ou encore l’écologie. Enfin, elle sera aussi célébrée à la foire de Bruxelles fin mars-début avril.

Comment continuer de faire vivre et publier Martine après la disparition de ses créateurs Marcel Marlier et Gilbert Delahaye ?

Rosalind Elland-Goldsmith écrit les nouveaux textes. Elle s’était déjà chargée des réécritures des albums en 2016. Aujourd’hui, c’est un public plus jeune qui lit Martine, il fallait réécrire par exemple au niveau des prénoms, des stéréotypes et des expressions désuètes. On travaille sur le respect de l’intemporalité avec des lieux qui parlent tout de même aux enfants d’aujourd’hui tout en ayant un grand souci de garder l’origine sans la transformer.

Tout est validé par les familles de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier. Pour les albums récents, Martine au Louvre (2021), Martine au château de Versailles (2022) et Martine en Bretagne (2023), on ne redessine jamais. C’est semblable à une résurrection, On va piocher dans l’énorme réserve de dessins des 60 albums, puis il y a un savant travail de mise en scène, de détourage, de perception et de proportion. Ensuite, elle est insérée très naturellement dans les décors. C’est un travail passionnant pour un éditeur de continuer de faire vivre Martine.