avant-portrait

Les contes de fées n’arrivent pas qu’au cinéma. Ils se produisent parfois dans la république des lettres. C’est l’histoire d’un chic type de 38 ans, papa de petits jumeaux, qui avait toujours voulu être écrivain et qui enseignait le jour et écrivait la nuit. En mars 2013, il envoie son manuscrit à un des agents les plus réputés de New York, celui entre autres de Nicole Krauss. Courriel avec pièce jointe expédié le vendredi, réponse et session de travail dès le lundi : Bill Clegg lui donne trois semaines pour livrer une version finale. Le roman définitif en mains, l’influent agent parvient à le faire lire très vite par de gros éditeurs qui se le disputent aux enchères. Résultat des courses : une publication chez Simon & Schuster et un à-valoir d’un million de dollars.

En France, c’est chez Belfond que paraît le premier roman de Matthew Thomas, Nous ne sommes pas nous-mêmes. Si le succès n’empêche pas la littérature, celle-ci ne vient pas sans effort. Le "nouveau Franzen" a mis dix ans pour composer cette saga familiale dans le milieu de l’immigration irlandaise.

Située à New York dans le quartier de Queens, où l’auteur d’ascendance irlandaise a grandi, "un endroit très mélangé en termes de classes et d’ethnies", la fresque raconte aussi bien le destin d’Eileen, une infirmière rêvant d’élévation sociale, que l’envers de l’american dream. A l’aune de la réalité, ses rêves de petite fille devant les vitrines de la 5e Avenue à Manhattan ont du mal à se mesurer. Une figure paternelle d’Irlandais gouailleur, une mère alcoolique, un époux intello et idéaliste qui lui donne un fils faute d’une existence glamour… Eileen a un côté Madame Bovary contrariée, elle se serait bien contentée de fantasmer, mais le réel la rattrape. Ed, son mari, est atteint d’un Alzheimer précoce qui déjoue tous ses plans sur la comète.

Savoir recycler

Quelle est la part d’invention ? La part du vécu ? Matthew Thomas a beau avoir suivi un cours de creative writing, après des études de littérature anglaise à Chicago ("elles ne me menaient nulle part, car je voulais me consacrer à l’écriture"), il est bien conscient qu’aucune création ne naît ex nihilo. Sa mère était infirmière et son père décéda des suites de la maladie d’Alzheimer. Mais l’art de la fiction ne consiste pas tant à tout imaginer qu’à savoir recycler ce qui est déjà là. Et, chez Matthew Thomas, dans la veine de l’ample roman américain, à offrir un panorama.

Sean J. Rose

Matthew Thomas, Nous ne sommes pas nous-mêmes, Belfond. Sortie: 8 janvier. ISBN : 978-2-7144-5722-6

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