Essai/France 11 avril Marie-Hélène Baylac

Depuis François Rivière (Seuil, 1981), hormis Huguette Bouchardeau (Flammarion, 1999), personne en France n'avait enquêté sur Agatha Christie (1890-1976). Car que dire de plus sur cette tueuse en série ? Avec plus de deux milliards de livres vendus, des traductions dans plus de cent langues et des adaptations à n'en plus finir à la radio, à la télévision, au cinéma, elle demeure la reine incontestée du crime. Marie-Hélène Baylac est allée tout de même y voir. Son livre adopte par une sorte de mimétisme la méthode de Miss Marple, l'un de ses personnages phares avec Hercule Poirot, nantie de cette bonhomie fouineuse qui ne laisse rien passer puisque seul le résultat compte. Et ici, le résultat, c'est de comprendre cette miss meurtres hors norme.

D'autant que rien ne prédestinait Agatha Miller à commettre autant d'assassinats de papier : une enfance heureuse, un peu désargentée, un père américain qui passait plus de temps au golf qu'au travail, une mère aimante avec laquelle elle sera très complice, mais sans complicité de meurtre. Et puis arrive le premier mort de l'histoire. C'est son père, le dandy, qui s'éteint par inadvertance. Il s'agit là non plus de la mort littéraire, celle qu'elle dévorait chez les écrivains romantiques, mais la mort réelle d'un homme qu'elle adorait.

Sous l'impulsion de sa mère très versée dans les sciences occultes, elle publie son premier livre en 1920. Elle cherche aussi un mari, assez obstinément. Survient l'aviateur Archibald Christie. Il lui laisse son nom de plume et une fille prénommée Rosalind. Il reprend les airs après quelques années conjugales et la fameuse disparition d'Agatha pendant onze jours en décembre 1926, qui inspira un roman à Brigitte Kernel (Flammarion, 2016). Cette escapade reste encore la seule véritable énigme de sa biographie où l'on hésite entre désespoir, vengeance et coup de pub.

Pendant que son premier mari la trompe, elle écrit Le meurtre de Roger Ackroyd. Son œuvre prend de l'ampleur avec la découverte de l'Orient, de l'archéologie et de son second mari, Max Mallowan, de quatorze ans son cadet. Avec lui, elle se passionne pour les sites en Irak ou en Syrie. Son agenda ne bougera pas jusqu'à ce que sa santé ne le lui permette plus : le printemps sur les fouilles, l'été en Angleterre. Entre les deux, elle voyage à bord de l'Orient-Express ou du Taurus Express, qui relie Istanbul à Bagdad. Surtout, elle écrit, tout le temps, partout.

Elle tue comme elle respire. Elle fait du meurtre un divertissement permanent. Marie-Hélène Baylac montre comment elle s'y prend, comment elle note tout sur ses petits carnets. Elle commence par se mettre à la place de l'assassin. Puis, elle raconte celle de l'observateur. C'est simple, dit-elle. Encore faut-il avoir le sens de l'intrigue. Les chiffres sont là. A sa mort, sa fortune est estimée à plus de 5 milliards d'euros, très loin devant celle de J.K. Rolwing, qui avoisine les 900 millions d'euros.

Avec des chapitres brefs, des citations choisies, Marie-Hélène Baylac offre une solide biographie d'Agatha Christie. Elle n'évacue pas ses travers, mais elle laisse aussi sa part de mystère à cette existence qui a multiplié les cadavres en aimant la vie.

Marie-Hélène Baylac
Agatha Christie
Perrin
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 23 euros ; 416 p.
ISBN: 9782262051396

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