Jeune Sénégalo-Belge d'Amiens, Serigne M'Baye Gueye s'est fait connaître dès 2000 en tant que rappeur, sous le pseudonyme de Disiz la Peste. Après avoir enregistré trois albums (dont Les histoires extraordinaires d'un jeune de banlieue), ce lecteur et cinéphile entame une carrière d'acteur. En 2009, devenu simplement Disiz, il publie un disque présenté comme son adieu à la chanson, Disiz the end, en même temps qu'un premier roman, Les derniers de la rue Ponty. Il réitère le doublé aujourd'hui, revenant au rap avec Extralucide et à la littérature avec René. Une politique-fiction aux tons sombres, qui se situe dans une banlieue parisienne devenue zone de non-droit en friche.
En 2017, alors que Marine Le Pen, après avoir été Premier ministre de Sarkozy qu'elle a fait réélire en 2012, vient de lui succéder à la présidence de la République, une émeute éclate dans le quartier des Forgerons, à Grand Paris, autrefois Le Havreux-sous-Boqueteau. Un jeune est tué par la police. Balna, l'un des leaders du mouvement avec Abdoulaye, tire à son tour sur les policiers. La France s'embrase. Huit ans après cette véritable guerre civile, une sorte de paix s'est installée aux Forgerons, et ailleurs. Les jeunes de banlieue vivent leur vie en marge, et se livrent à tous les trafics imaginables, en essayant de ne pas se faire "pécho" par les nervis de la RAT, ou Répression armée territoriale. L'une des créations phares de la Présidente réélue, avec l'abaissement de la majorité légale et pénale à 14 ans. Elle a aussi imposé à toutes les familles françaises, quelles que soient leurs origines, de donner à leurs enfants un prénom chrétien. Abdoulaye est mort dans des circonstances mal élucidées. Reste Balna, ancien combattant aigri devenu le héros, le caïd, le gourou des "petits frères". Pour Edgar, petit voyou frimeur, grossier et taré, c'est un dieu. René, son copain, est plus réservé. C'est un gamin qui vit seul avec Sabrina, sa mère alcoolo, dépressive et violente, mais qu'il aime quand même. Cultivé, bon élève, s'exprimant de façon élégante, il se sent rejeté par les autres, qui le traitent volontiers de "pédé ». Lui ne pense qu'aux filles, et en particulier à Jeanne, dont il est tombé romantiquement amoureux. Ils entretiennent une touchante correspondance par SMS, mais écrits en "vieux style" !
En dépit de son contexte, René commence comme une bluette sentimentale postmoderne. Mais tout bascule. Au cours d'une rixe entre bandes, Edgar est accusé de meurtre. René pense que son pote n'est pas coupable et veut rétablir la vérité. En aura-t-il le courage, et parviendra-t-il à sauver Edgar ?
On respectera, bien sûr, le suspense voulu et maîtrisé par Disiz, dans ce roman qui peut se lire à la fois comme un thriller contemporain et comme une politique-fiction qui fait froid dans le dos. Sa publication en pleine campagne de la présidentielle n'est pas un hasard, et sonne comme un avertissement : "Jamais ça."