Sur une mosaïque de Pompéi, on peut voir un molosse avec cette inscription : cave canem, « attention au chien ! ». Ce bel exemple de littérature canine souligne le long compagnonnage entre l'homme et son meilleur ami qu'il chargeait de garder sa villae. Dans Homo canis, Laurent Testot remonte plus loin, à l'époque où le loup n'en était plus tout à fait un pour l'homme, c'est-à-dire vers 16 500 ans.
L'auteur de Cataclysmes : une histoire environnementale de l'humanité (Payot, 2017) qui sort en poche au même office dans la « Petite bibliothèque Payot », retrace l'histoire de la domestication du chien, du premier loup gris apprivoisé au chien cloné, jusqu'au cabot robot Aibo développé par Sony.
A coups d'hybridations et de sélections, l'homme a façonné cet animal pour des usages divers. Les aborigènes se servaient des dingos comme de chaufferettes et leur cassaient les pattes pour éviter qu'ils ne s'enfuient durant la nuit. Au Moyen Age, le basset, tel un hamster, était utilisé pour faire tourner des broches, et dès le XVIe siècle les dogues de Cuba ont été dressés pour terroriser les esclaves.
Au foyer, dans la rue, à la chasse, à la guerre, dans les laboratoires et même dans sa conquête spatiale avec la fameuse Laïka envoyée en orbite par les Soviétiques en 1957, le chien assiste l'homme. Les rôles qui lui sont confiés sont multiples, du saint-bernard sauveteur - une invention du XIXe siècle - au Xolo que l'on retrouve à la vapeur ou à la broche sur la carte des restaurants en Chine. Laurent Testot souligne qu'on en consomme encore en Suisse et qu'il y avait à Paris, avant la Première Guerre mondiale, une boucherie canine.
L'animal de compagnie devient quelquefois partenaire particulier. Ce fut le cas de Jofi dont Freud fit un auxiliaire de cure, car il lui donnait des indications sur l'état d'esprit du patient. « Si celui-ci était anxieux ou énervé, Jofi s'éloignait du divan. Si la personne était dépressive, Jofi s'approchait, jusqu'à ce que sa tête aux yeux emplis de compassion se retrouve à portée de main de cet humain en détresse. » L'animal servait également d'horloge et bâillait au bout d'une heure de séance.
Avec un sens aigu du récit, le journaliste scientifique multiplie les anecdotes pour montrer combien notre existence se confond avec celle des 500 000 à un milliard de chiens présents aujourd'hui sur Terre. Ils nous accompagnent lorsque nous perdons la vue et nous suivent dans les pires chemins lorsque nous leur injectons notre violence pour en faire des pitbulls. La particularité de cet ouvrage très documenté réside dans son traitement. Chaque chapitre aborde une espèce, du caniche au lévrier. Le chien se présente d'abord lui-même et explique son rapport avec son maître. Comme dans L'île aux chiens, le film de Wes Anderson, Homo canis peut aussi se lire comme une fable politique sur notre relation au monde. Après tout, la première fonction mythique du chien est celle de psychopompe, qui conduit les âmes des morts.
Homo canis : une histoire des chiens et de l’humanité
Payot
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22 euros ; 368 p.
ISBN: 978-2-228-92164-0