Au-delà des nouvelles injonctions parentales à déconstruire, il reste de nombreux tabous à lever, du côté de la maternité. Les éditeurs s'y attellent de plus en plus, en renouvelant leurs tons et leurs formats. Le terrain est à défricher également du côté des enfants et adolescents, autour de l'orientation sexuelle, du genre et du rapport au corps.
L'évolution de l'offre éditoriale dans le rayon parenting ne se résume pas à « prendre le contrepied de la parentalité positive. Il s'agit d'un retour à la réalité de la parentalité, depuis les premières semaines de vie à l'adolescence », introduit Marie-Anne Jost, directrice éditoriale chez First. Donc, de mettre fin à certains tabous. Chez les mères, avant tout. « Nous avons été parmi les premiers à travailler sur la déconstruction des injonctions autour de la grossesse et du post-accouchement », affirme Olivia Maschio Esposito de Marabout. Début 2021, la maison a publié Ceci est notre post-partum, d'Illana Weizman. Dans La remplaçante, paru en mai chez First, « on suit une jeune maman déboussolée par l'arrivée de son bébé, qui a l'idée tenace qu'une remplaçante ferait mieux qu'elle », raconte Marie-Anne Jost. Cette bande dessinée de Sophie Adriansen et Mathou s'est vendue à 11 000 exemplaires, « un très bon lancement pour un tel sujet ».
« Dans mon rayon, je retrouve des ouvrages sur la décision de devenir mère ou non, sur les désillusions que cela peut apporter... Cela renverse un tabou. Et c'est nouveau, depuis un an et demi », confirme la responsable du rayon sciences humaines, psychologie et parentalité de la librairie Ombres Blanches, à Toulouse. Face à l'offre grandissante, les maisons d'édition commencent déjà à chercher de nouvelles façons d'aborder ces sujets. « On relie trop post-partum et dépression. On doit aussi en parler de manière positive, avec des outils de compréhension, une empathie... », songe Rose-Marie Di Domenico. Julia Simon a publié en mars 2021, chez First, Les recettes du quatrième trimestre au naturel. « Cela pourrait sembler anodin, mais ce n'est pas que de la cuisine : c'est aussi un acte de militantisme », insiste Marie-Anne Jost. Le message à l'entourage ? « Il faut prendre soin de la femme qui vient d'accoucher, recréer du lien, autour de plats réconfortants. »
Sexualité des mineurs
Restent tous les tabous à lever. Par exemple, ce premier trimestre où l'on évite d'annoncer la grossesse. « C'est le moment où l'on est le plus vulnérable, mais c'est invisibilisé... On parle peu, voire jamais, des fausses couches » regrette Marie-Anne Jost. L'ouvrage illustré Une fausse couche comme les autres, de Sandra Lorenzo, paraîtra chez First en 2022.
Les tabous concernent aussi les enfants et adolescents eux-mêmes. Chez Albin Michel, Corps, amour, sexualité : les 100 questions que les enfants vont vous poser, paru en septembre, s'est déjà vendu à 25 000 exemplaires. « Je n'ai jamais eu de tels retours : des personnes nous disent que c'est le livre qu'elles auraient voulu avoir plus jeunes », évoque Aurélie Starckmann. Au-delà d'aider les parents à trouver les mots justes, l'ouvrage vise à prévenir plutôt que guérir. « Plus on en parle tôt, plus on évite les violences sexuelles, les maladies, les grossesses non désirées », soutient l'éditrice. D'autres ouvrages aident à aborder des questionnements autour du genre ou de l'orientation sexuelle. En février 2022, Marabout publiera C'est pas mon genre, un guide écrit par la pédopsychiatre Anne Barciagghi, pour que les parents accompagnent leurs enfants dans leurs questionnements. Histoires de coming-out, de Baptiste Beaulieu et Sophie Nanteuil, paru en octobre chez Albin Michel, regroupe quant à lui des témoignages de parents et d'enfants autour de cette phase de leur vie, avec des éclairages engagés.