Auteur de la BD à succès L'Enquête corse et fin satiriste de la politique française pour le Canard enchaîné, le dessinateur René Pétillon est mort dimanche à l'âge de 72 ans.
"Son humour acéré, impitoyable, légèrement décalé et néanmoins pas dénué de tendresse (faisait) mouche à tous coups", ont souligné les éditions Dargaud dans un communiqué, en annonçant son décès suite à une "longue maladie".
Son personnage fétiche, Jack Palmer, détective un peu bêta au gros nez et à l'imperméable trop grand, avait été créé en 1974. Mais c'est en 2000, avec l'une de ses aventures, L'Enquête corse, qu'il connaît un énorme succès et reçoit le prix du Meilleur album au Festival d'Angoulême en 2001.
Cette BD, également traduite en corse et qui se moque avec une égale tendresse des Corses et des "pinzuti" (les continentaux), est ensuite portée au cinéma par Alain Berberian en 2004, avec Christian Clavier dans le rôle de Palmer, attirant 2,7 millions de spectateurs dans les salles.
"Le succès de cet album m'a abasourdi", racontait Pétillon à l'AFP en 2013, encore surpris d'avoir été fait citoyen d'honneur de la ville de Bastia grâce à cet ouvrage. Il assurait s'être "régalé" en écrivant les aventures de Palmer sur l'île de Beauté, lui qui utilisait beaucoup "la mauvaise foi" comme ressort comique de ses dessins. "Les Corses s'amusent à qui sera le plus de mauvaise foi, c'est un jeu là-bas", disait celui qui s’enorgueillissait de n'avoir jamais eu "la volonté d'être méchant" et préférait manier l'ironie.
Le dernier album de la série, le 15e, Palmer en Bretagne, était paru en 2013, et s'était vendu à près de 100000 exemplaires. Né le 12 décembre 1945, originaire de Lesneven, au nord de Brest, Pétillon était fasciné par l'image depuis sa plus tendre enfance. Ce fils de boulanger l'avait passée à dévorer les Tintin et les Spirou. Issu d'une famille catholique traditionnelle, il avait ce goût pour la transgression gentille, qu'on retrouve d'ailleurs dans Super catho (Dargaud, 2004).
Mais avant tout cela, il essuie de nombreux refus pour ses dessins et enchaîne les petits boulots (magasinier, livreur, coursier...). Ses premiers dessins n'ont été publiés qu'en 1968 dans Planète, Plexus et L'Enragé. Sa première bande-dessinée sort en 1972 dans Pilote, "un récit de six pages intitulé Voir Naples et mourir", a rappelé Dargaud.
Parallèlement à la BD, Pétillon, grand prix du Festival d'Angoulême en 1989, était aussi une vedette de la satire politique, grâce à son travail pour Le Canard enchaîné. Il y était entré en 1993 avant de mettre fin à sa collaboration avec l'hebdomadaire l'an passé, a rappelé Dargaud, selon lequel Pétillon était "un des grands portraitistes de la société française". Avant son entrée au Canard enchaîné, Pétillon dessine dans L'Echo des Savanes, VSD, Métal Hurlant ou Le Matin de Paris, où il scénarise la série du Baron noir dessinée par Yves Got (Humanoïdes associés, puis en intégrale chez Drugstore).
Car il n'y avait pas que Jack Palmer dans l'œuvre de Pétillon. Chez Albin Michel, il a publié plusieurs albums (Sortie des urnes, On aura tout vu, Triomphe à Hollywood, Scandale à New York, C'est l'époque qui veut ça, La conjoncture est générale...). Les Arènes avaient édité L'intégrale corse, soit trente ans de dessins sur l'île de Beauté, présentés par la journaliste Arianne Chemin, en 2009. Sans compter les nombreux recueils de dessins pour les journaux parus au fil des ans.
L'an dernier, René Pétillon avait été distingué du Grand Boum de la Ville de Blois.