Retour aux siens. « Ce qui a disparu, c'est la France, les France, plutôt, celle d'Alice, celle de Jeanne, que j'ai quittées en m'installant sur un autre continent, en mettant quelques milliers de kilomètres entre la terre natale et moi. Quand bien même j'y retournerais, un jour et pour de bon, ce n'est pas elle que je retrouverais − mais un autre pays, tout aussi étranger, séduisant et hostile que le Québec où je suis arrivé il y a six ans. "On ne part pas", écrivait Rimbaud. Sans doute. On ne revient jamais vraiment non plus. »
De toute façon à quoi bon revenir puisqu'« il n'est pays que de l'enfance » écrivait Barthes. Oui, mais il n'est parfois aussi de littérature que de la famille. C'est à cette assignation librement consentie que répond La colline qui travaille, le premier roman de Philippe Manevy, professeur de français et de théâtre. Ce livre (le second tout de même de son auteur, après un récit autobiographique publié chez Leméac en 2021) est une sorte de petit miracle. Parce qu'il est à la fois tout ce qu'il prétend être et aussi tout autre chose. C'est donc l'histoire d'une famille ouvrière lyonnaise (la colline du titre est celle de la Croix-Rousse) sur quatre générations, du début du XXe siècle à nos jours. Une histoire qui se confond, bien sûr, avec celle du pays. Mais c'est aussi, et plus secrètement, comme l'auteur est aussi le narrateur, une figure libre autour de la question du récit de soi, avec Annie Ernaux en figure tutélaire. La manière dont Philippe Manevy répond à ce questionnement est proprement éblouissante et il impose sans coup férir une écriture résolument singulière qui tient de la chronique plus que de la saga naturaliste.
La colline qui travaille
Le Bruit du monde
Tirage: 6 500 ex.
Prix: 22 € ; 370 p.
ISBN: 9782386010460