Avant-critique Roman

Pier Vittorio Tondelli, "Chambres séparées" (Seuil)

Pier Vittorio Tondelli - Photo © DR/avec l'aimable autorisation de la famille

Pier Vittorio Tondelli, "Chambres séparées" (Seuil)

Le chef-d'œuvre crépusculaire de Pier Vittorio Tondelli reparaît dans une nouvelle traduction.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 20.04.2023 à 14h00 ,
Mis à jour le 20.04.2023 à 16h52

Nous deux encore. En 1989, paraissait chez Bompiani Camere separate (Chambres séparées), le dernier roman de l'écrivain, journaliste et dramaturge Pier Vittorio Tondelli, auteur du fameux Pao Pao, qui devait mourir du sida à 36 ans en 1991. Paru au Seuil en 1992, Chambres séparées bénéficie aujourd'hui d'une nouvelle traduction, due à l'italianisant Vincent Raynaud. À l'heure où l'Italie, invitée d'honneur du Festival du livre de Paris, suscite un regain d'intérêt de ce côté-ci des Alpes, redécouvrir ce chef-d'œuvre crépusculaire qui prend parfois des accents prophétiques apocalyptiques − par exemple, sur la vague migratoire qui submergerait un Occident arrogant qui, selon lui, expierait ainsi les fautes de son passé colonial et aurait bien mérité son déclin −, apparaît comme une évidence.

Sans doute largement autobiographique quoiqu'écrit à la troisième personne, Chambres séparées raconte l'histoire d'amour tragique, en trois actes, entre Leo, journaliste et écrivain romagnol, reconnu et riche (on ne compte plus ses voyages à travers l'Europe, les États-Unis, le Canada...), un peu plus de 30 ans, et Thomas, un jeune Allemand de 25 ans rencontré dans le Marais parisien à l'occasion d'une fête gay décadente. Coup de foudre réciproque. Ils entretiendront, durant trois ans, une relation aussi passionnelle que chaotique : alors que Thomas, musicien en devenir, veut s'investir à fond, s'installer en Italie et passer avec Leo le reste de sa vie, ce dernier se montre beaucoup plus ambigu. En fait, même s'il ne s'aime guère, il ne supporte que de vivre seul. Il y aura ruptures violentes, réconciliations et voyages, et puis la maladie, l'agonie et la mort. Après cela, Leo va errer, seul, n'osant plus aimer, se remémorant ses années avec Thomas, mais aussi son premier boyfriend infernal, Hermann, le junkie blond qu'il aime toujours mais ne veut plus assumer.

À la fois drame psychologique, carnet de voyage, introspection, témoignage plus que réaliste sur le sida, au point que certains passages sont difficiles à supporter sachant que Tondelli est mort de la même maladie que Thomas, Chambres séparées est un livre majeur dont les problématiques n'ont pas pris une ride. Merci au traducteur de le remettre en lumière, en le servant aussi élégamment.

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