Organisée à la Bibliothèque publique d'information (BPI), à Paris, dans le cadre de la mission sur la lecture publique confiée par la ministre de la Culture Françoise Nyssen à l'académicien Erik Orsenna, cette rencontre avait clairement pour objectif, du côté du ministère, d'affirmer la volonté d'associer l'ensemble des professionnels au processus de réflexion.
"Les bibliothèques sont ouvertes en moyenne 19 heures par semaine à des heures où les gens qui travaillent ne peuvent pas s'y rendre. Il faut mobiliser tout le monde autour de cette question. Mais les décisions ne seront pas prises dans un bureau du ministère à Paris, a affirmé la ministre de la Culture. Le travail se fera à partir de vos idées, de vos propositions. C'est un projet ambitieux basé sur la confiance, le pragmatisme, la cohérence".
Erik Orsenna, ambassadeur de la lecture, a raconté son étonnement en découvrant, au cour de ses première visites de bibliothèques, toute la richesse de l'offre que ces dernières proposent. "Les bibliothèques sont des lieux de livres mais aussi des lieux de vivre, a déclaré l'académicien avec son sens unique de la formule. “Bibliothèque” est un mot magnifique mais inférieur à la réalité de ce que vous offrez. Une bibliothèque, ce n'est pas seulement une ouverture, c'est une présence. Amazon est ouvert tout le temps mais présent, jamais".
La question incontournable des moyens financiers et humains
Elus et directeurs d'établissements se sont succédés sur l'estrade pour témoigner d'expériences réussies, comme celle de Lampaul-Guimiliau, petite commune de 2000 habitants dans le Finistère, où la bibliothèque compte 800 adhérents, et ouvre 26 heures par semaine, 7 jours sur 7. A Nice, le maire, Christian Estrosi, a décidé en 2008 de mettre en oeuvre l'ouverture du dimanche. "Cela a apporté une hausse de la fréquentation mais aussi un élargissement des publics", a souligné Jean-Luc Gagliolo, conseiller municipal de Nice.
François Cavard, directeur général des services de la ville du Havre, où l'ancien maire et actuel premier ministre, Edouard Philippe, avait fait de la lecture publique une priorité, a détaillé de manière très précise la démarche qui a permis de lever l'opposition des syndicats à l'ouverture du dimanche de la médiathèque Oscar Niemeyer : baser le travail dominical sur le volontariat en faisant appel à tous les agents du réseau, raisonner sur le travail du week-end et non seulement du dimanche, offrir une prime suffisamment motivante.
Déterminés
Les directeurs de bibliothèques qui sont intervenus au cours des tables rondes et depuis la salle ont tous affirmé leur conviction de travailler à l'élargissement des horaires d'ouverture, à l'amélioration de leur offre et de leurs service ainsi qu'à la conquête de nouveaux publics. Mais la question des moyens financiers a été à plusieurs reprises évoquée comme étant le principal frein à ces ambitions. "Nous sommes très volontaires sur ces questions, a affirmé Xavier Galaup, président de l'ABF (Association des bibliothécaires de France). Mais nous nous trouvons devant la quadrature du cercle. La baisse importante de la dotation de l'Etat affecte les collectivités territoriales et donc les bibliothèques. Donner des financements ponctuels aux projets d'extension d'horaires, cela ne suffit pas. Nous serons obligés de faire des choix, par exemple supprimer des actions hors les murs ou des animations pour ouvrir le dimanche".
Emplois aidés
L'intervention de Françoise Muller, directrice de la médiathèque communautaire de l'agglomération de Moulins, a illustré très concrètement cette réalité, que vivent déjà de nombreux établissements de lecture publique en France. "Entre 2017 et 2019, nous perdrons trois emplois aidés. Nous n'en sommes pas à nous demander quels nouveaux services créer, mais lesquels supprimer pour y arriver, a déclaré la direcrice, la gorge serrée, et regrettant qu'Erik Orsenna, présent seulement le matin, n'ait pas été là pour entendre son témoignage. Pourtant, le public est là et mon équipe est très motivée, mais je vais peut-être devoir rendre mon budget d'animations culturelles car nous n'avons plus les moyens de les préparer".
Dans sa conclusion de la journée, Nicolas Georges, directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture, a reconnu que ce programme ambitieux pour les bibliothèques s'inscrivait dans un contexte de baisse assumée de la dotation de l'Etat aux collectivités territoriales. "Mais il faut sortir de cette problématique par le haut, a affirmé le représentant du ministère de la Culture. La dotation aux collectivités a baissé, mais pas celle pour les bibliothèques. L'enveloppe de la Dotation générale de décentralisation sera maintenue à 80 millions d'euros en 2018".
Plus tôt dans la journée, la ministre de la culture avait affirmé qu'il y aurait des moyens attribués à ce programme, et Erik Orsenna avait promis qu'il y aurait “de la colère”, si ce n'était pas le cas.