Dans son excellent rapport Une feuille de route pour une fiscalité numérique neutre et équitable [1] , le sénateur Philippe Marini (UMP, Oise) rappelle la question de la sales tax, ou taxe sur les ventes, qui se pose aux Etats-Unis. La sales tax est prélevée au point d'achat et reversée à l'Etat par le commerçant ; elle est donc acquittée par le consommateur final. Mais tandis que les vendeurs du commerce physique ( bricks and mortar ) la collectent et la reversent à l'Etat, les e-commerçants s'en abstiennent au prétexte qu'ils ne sont pas établis dans l'Etat de consommation. Les Etats réclament ce qu'ils considèrent comme leur dû, et les commerçants physiques se plaignent d'une concurrence pour le moins déloyale. Afin de riposter, le géant du e-commerce Amazon se réfère à une décision de la Cour suprême de 1992 aux termes de laquelle les enseignes de vente par correspondance sont autorisées à ne pas collecter la taxe dans les Etats où elles ne sont pas physiquement présentes. On retrouve dans cette affaire la capacité des autorités publiques américaines à mener des politiques volontaristes afin de lancer des secteurs naissants. Comme le note dans le New York Times Michael Mazerov, chercheur senior au Center on Budget and Policy Priorities, « La justification de départ de cette exemption était que le commerce via Internet devait se développer [...].Le fait qu'Amazon collecte cette taxe en Californie, région natale du commerce en ligne, montre qu'Internet peut rivaliser avec les distributeurs traditionnels. » [2] Plusieurs Etats réclament qu'Amazon joue jeu égal avec les autres commerces et collecte la taxe sur les ventes. L'Etat de New York a même adopté une loi qui l'impose, loi que la firme conteste tout en collectant la taxe. Il en est de même au Texas, en Californie, en Pennsylvanie, et Amazon doit à présent composer avec la détermination des Etats. Selon le rapport Marini, une dizaine d'Etats auraient conclu un accord de collecte et de reversement ou seraient à deux doigts de le faire. Il est vrai que chaque fois que possible, la négociation va de pair avec des projets d'installation de nouveaux entrepôts destinés à stocker la gamme de plus en plus large des produits distribués. Comment comprendre cette stratégie de construction d'entrepôts très coûteux au moment même où Amazon perd une part de son avantage comparatif du fait de l'alignement de la fiscalité sur celle du commerce physique ? En construisant ses entrepôts nord-américains au plus près des consommateurs, Amazon entend réduire ses délais de livraison de deux à un jour. Il s'agira de troquer un avantage en coût et en prix contre un challenge en qualité du service afin de conquérir et de fidéliser plus d'acheteurs encore (Amazon représente environ 20 % du commerce électronique aux Etats-Unis, tous types de biens vendus confondus). Affaire à suivre. [1] Rapport d'information n° 614 (2011-2012), fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 juin 2012. [2] David Streitfeld, "Amazon, Forced to Collect a Tax, Is Adding Roots", The New York Times, September 11, 2012.