On ne compte plus les coffrets qui associent un objet à un livre. Une encyclopédie du vin fournie avec une pompe à vide, un livre de pâtisserie accompagné de moules à gâteaux, un manuel d'aquarelle fourni avec le carnet de croquis, les crayons, la gomme, la liste devient longue de ces tentatives pour rapprocher le lire du faire ! Bien sûr certains diront qu'il s'agit d'une « stratégie marketing »... Certes mais sur quel ressort se fonde-t-elle ? En quoi l'ajout d'un objet fournit-il un « avantage compétitif » ? Cette idée n'est pas toute nouvelle mais semble prendre une ampleur sans précédent à la veille de Noël. Elle reçoit un écho favorable dans le public puisque le classement Livres Hebdo des ventes en Cuisine et vin nous apprend que 6 des 50 meilleures ventes concernent des coffrets avec ustensiles. Selon nous, cette évolution paraît emblématique d'un rapport au livre qui change. Le livre est un moyen d'accéder à un autre monde mais, pour y parvenir, l'objet peut aider. Celui-ci est le relais entre le monde du livre et le monde du lecteur. Le lecteur passe des pages du livre à l'objet qui est en rapport et qui le relie ainsi directement au livre. Le divertissement naît du processus par lequel le lecteur quitte progressivement son monde pour entrer dans celui du livre. L'objet est ce support matériel (il peut le voir, le toucher) qui le fait entrer dans un autre monde... De façon encore plus profonde, on peut se risquer à voir dans ce phénomène, la trace d'une évolution de nos contemporains par rapport à la lecture. Le monde du texte, de l'écrit parvient moins qu'avant à les enthousiasmer. La baisse de la lecture de livres repérées par la dernière enquête Pratiques culturelles des Français signale un affaiblissement de l'attrait, une distance croissante au livre. Celui-ci ne saurait pas autant qu'avant captiver nos contemporains baignés qu'ils sont dans un océan d'images et d'interactivité. Le livre apparaît comme une totalité finie et figée là où la télévision et encore plus Internet est le cadre d'images animées et d'échanges. Le succès de librairie du Cahier de gribouillages pour adultes qui s’ennuient au bureau apparaît comme un autre signe de cette évolution. Le lecteur ne veut plus être cantonné dans une position passive, il entend participer au monde, s'exprimer comme il peut le faire (et comme il le fait) grâce à Internet. Le livre et la lecture sont en train de changer de visages. Les éditeurs accompagnent ce mouvement et contribuent ainsi à la vitalité d'un support qui doit assurer sa mue pour demeurer. Cette évolution concerne uniquement l'univers du livre pratique pour le moment. Christine Ferrand a raison de poser la question de son extension au domaine de la fiction (Cf. Editorial LH n°795). Pour l'heure, les romans ne donnent pas lieu à mise en scène par l'intermédiaire d'objets. L'imagination du lecteur semble suffisante pour entrer dans le monde du texte. Pour autant, on ne peut exclure cette évolution peut-être attendue par certains lecteurs qui souhaiteraient prolonger leur lecture par une trace matérielle autre que celle du livre. Le monde de la BD a ainsi développé des figurines qui remplissent cette fonction. A suivre donc...
15.10 2013

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