Paris
C'est dans la capitale où elle est née en 1972 qu'elle a effectué presque toute sa scolarité : lycées Louis-le-Grand et Fénelon, École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, jusqu'à sa thèse de doctorat en histoire sur « L'Armée et la torture pendant la guerre d'Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales » en 2000. Paris est le lieu de ses découvertes, de ses mobilisations en 1986 contre la loi Devaquet et de ses indignations après la mort de Malik Oussekine, rue Monsieur-le-Prince à la suite de violences policières.
Algérie
« Ce passé n'est pas au cœur de mon histoire familiale. » Et pourtant, sans avoir un père qui a fait la guerre d'Algérie, elle découvre cette histoire à 16 ans en voyant Muriel ou le temps d'un retour, d'Alain Resnais, et en lisant La torture dans la République, de Pierre Vidal-Naquet, dans la Petite Collection Maspero. C'est un choc. L'année suivante, en terminale, la guerre d'Algérie est au programme et elle demande à son professeur des ouvrages complémentaires pour aller plus loin. « J'ai fait sans hésitation le choix de devenir prof d'histoire. »
Famille
Pas la sienne, mais les autres. Elles sont au cœur de son enquête Papa, qu'as-tu fait en Algérie ? Une histoire vue à travers elles. « C'est pour moi la clé, la composante essentielle de cette mémoire. Cette enquête de plusieurs années, à laquelle j'appartiens, dans laquelle je dis je, clôt quelque chose pour moi. Dans l'avenir, sans délaisser les archives qui sont quelquefois difficiles d'accès à cause des classements et des autorisations, je vais davantage axer mes recherches sur la famille. »
Présent
« On ne fait de l'histoire qu'au présent. » C'est pourquoi elle s'intéresse tant à l'histoire contemporaine, à cette histoire qui utilise autant les témoins que les archives, cette histoire qui veut se saisir de la mémoire d'un événement comme on fait le tour d'une statue pour en comprendre tous les détails, y compris les plus infimes. « J'ai toujours fait de l'histoire comme ça. J'aime les gens et ce qu'ils ont à me dire sur un sujet. C'est une façon d'éclairer des pans du passé qui ne sont pas accessibles aux archives. »
Mémoire
Dans cette dernière guerre qui fait appel au contingent, l'expérience du soldat passe aussi par l'écriture, une écriture dont la famille est la clé. « Les gens écrivent beaucoup pendant la guerre d'Algérie. Lorsqu'on est au front, on écrit d'abord pour dire qu'on est vivant. On écrit aussi pour ne pas avoir à tout dire, pour contourner les choses, en camouflant ses sentiments. Personne ne peut alors s'imaginer ce qui se passe en Algérie. On sait seulement que les Français sont en guerre sans comprendre vraiment ce que cela veut dire. »
ENCADRE BIO
1972 Naissance à Paris. 1995 Agrégation d'histoire. 2001 La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie, 1954-1962 (Gallimard). 2010 L'embuscade de Palestro, Algérie 1956 (Armand Colin). 2019 Professeure d'histoire contemporaine à l'université de Paris - Nanterre.
Résumé livre
Papa qu'as-tu fait en Algérie ? est une enquête imposante sur la mémoire vivante de cette guerre qui, longtemps, n'osa pas dire son nom. À travers un questionnaire complété de témoignages, Raphaëlle Branche restitue un continent perdu, celui des souvenirs enfouis dans les familles. Sans manichéisme, sans parti pris, elle éclaire la place du conflit dans la société française avec ses conséquences toujours actuelles.