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Rentrée littéraire : ceux qui ont percé

Dans la librairie Le Comptoir des mots, à Paris - Photo Olivier Dion

Rentrée littéraire : ceux qui ont percé

Parmi les 589 romans de la rentrée 2015, 49 ont émergé. Pour apparaître au moins une fois dans les meilleures ventes, leurs auteurs ont bénéficié d’un prix ou d’une apparition à la télévision qui ont permis à leurs livres, déjà repérés, de passer un cap.

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Par Anne-Laure Walter
Créé le 11.12.2015 à 01h03 ,
Mis à jour le 11.12.2015 à 10h15

Si les auteurs sont souvent désireux et flattés de participer à la rentrée littéraire, ce moment de mise en lumière de la production peut se révéler sacrificiel. Car pour beaucoup de parutions, il y a peu d’élus. Parmi les quelque 600 romans répertoriés par Livres Hebdo à chaque rentrée, combien émergent ? Si l’on se fonde sur une analyse des meilleures ventes annuelles, c’est l’hécatombe. Sur les 607 romans de la rentrée 2014, seuls 10 apparaissent dans le palmarès romans 2014, dont un seul étranger, celui d’Haruki Murakami, et le premier roman d’Adrien Bosc. Mais la "rentrée littéraire", sous le prétexte des grands prix d’automne, est d’abord une construction intellectuelle destinée à renforcer l’impact médiatique et commercial de textes littéraires. Pour tenter d’en tirer un bilan, il faut s’intéresser à la surface d’exposition d’un livre, distinguer le moment où ses ventes hebdomadaires font un bond et où il rejoint les meilleures ventes du rayon fiction. Depuis le 17 août, 49 des 589 romans français et étrangers publiés entre août et octobre 2015 (voir tableau) sont apparus au moins une fois dans nos palmarès hebdomadaires Livres Hebdo/GFK.

Parmi ces 49 romans, on retrouve les poids lourds de la rentrée, dont les textes étaient attendus, soutenus par de belles mises en place en librairie puis par la critique, couronnés pour certains par des prix. Boualem Sansal, Amélie Nothomb, Christine Angot, Laurent Binet, Mathias Enard, Philippe Delerm et Yasmina Khadra figurent depuis seize semaines dans le palmarès des meilleures ventes de romans, et Delphine de Vigan depuis quinze semaines, son roman étant paru un peu plus tard. Parmi les auteurs particulièrement attendus, certains ont démarré sur les chapeaux de roue comme Simon Liberati, David Grossman, Amanda Sthers ou Nathalie Rheims puis, au bout d’un mois et demi, sont sortis du palmarès, cédant la place à une seconde vague d’auteurs, moins attendus, qui trouvent une surface médiatique après le passage obligé des incontournables.

Les surprises

Parmi les surprises de cette rentrée on remarque Isabelle Monnin (28 000 ventes, alors que son précédent roman tournait autour de 2 000) mais aussi Hédi Kaddour, Nathalie Azoulai ou Kerry Hudson, tous trois portés par un grand prix, respectivement l’Académie, le Médicis et le Femina étranger, et cinq auteurs d’un premier roman.

La plupart des ouvrages qui n’ont fait qu’un passage éclair dans le palmarès sont arrivés dans les meilleures ventes grâce à l’effet "vu à la télé", et surtout aux émissions de François Busnel ou de Laurent Ruquier. Gérard Mordillat a fait son entrée tardivement dans les listes, après son passage à "La grande librairie". Emilie Frèche et Xavier Durringer ont débarqué dans le palmarès la semaine qui a suivi leur passage à "On n’est pas couché".

En chiffres : la rentrée littéraire trois mois après

Premiers romans : pourquoi ceux-là ?

 

Cinq auteurs d’un premier roman ont émergé à la rentrée 2015 grâce à la qualité de leurs écrits, mais pas seulement. S’il reste imprévisible, le succès résulte d’un juste équilibre entre les différents prescripteurs.

 

Christophe Boltanski, La cache, Stock.- Photo JULIEN FALSIMAGNE

"Ce n’est pas une science exacte, mais ce ne sont pas n’importe quels premiers romans qui se distinguent. Il faut une force narrative, une présence de l’auteur et une capacité à parler de son travail", constate Manuel Carcassonne. Le P-DG de Stock est l’éditeur du premier roman le plus remarqué de cette rentrée : La cache de Christophe Boltanski, couronné par le Femina, sorti à ce jour à 70 000 exemplaires. Il figure depuis huit semaines dans notre palmarès Livres Hebdo/GFK des meilleures ventes de romans où sont également apparus les premiers romans de Sophie Daull, Alexandre Seurat, Xavier Durringer et Valérie Nivet-Doumer.

Sophie Daull, Camille, mon envolée, Ph. Rey.- Photo DR/PHILIPPE REY

Découvertes littéraires, ces cinq titres ne sont pas des textes faciles par leur forme ou par leur sujet. Un roman sur le martyre d’une enfant (La maladroite), la mort d’une fille unique (Camille, mon envolée) ou le sentiment d’abandon suite à l’arrivée d’un frère adoptif (Le préféré) ne peuvent pas être mis dans toutes les mains. "Pour dire notre engagement, nous n’avons publié que ce titre à la rentrée, raconte Sylvie Gracia au Rouergue à propos de La maladroite. J’ai même envoyé un mail assez direct aux libraires en leur disant : "Les feel-good books, ça suffit !"" Un parti pris qui a payé puisque le roman d’Alexandre Seurat en est à 19 000 sorties, "du jamais-vu pour un de nos premiers romans", affirme-t-elle. Manuel Carcassonne s’est aussi investi pour La cache, avouant "avoir harcelé tout le monde avec ce texte : les équipes commerciales, la presse, les jurés".

Les libraires, qui se sont emparés de ces romans en amont, en ont été les premiers ambassadeurs. Valérie Nivet-Doumer rejoint les meilleures ventes suite à la chronique sur LCI de Lydie Zannini de la librairie du Théâtre à Bourg-en-Bresse. Le Passage comme Philippe Rey, qui font une présentation conjointe aux libraires en mai, ont tout de suite senti leur premier roman prendre auprès de ces prescripteurs. "Dès le lendemain de la réunion libraires, une dizaine d’entre eux nous envoyaient un mail, raconte Philippe Rey. Ça n’arrive jamais !"Camille, mon envolée s’est aussi retrouvé dans la sélection de Cultura, comme La maladroite, par ailleurs 8e du Palmarès des libraires de Livres Hebdo.Sfumato a été retenu dans la sélection de rentrée de Leclerc et est en lice pour le prix des Libraires. La notoriété de Xavier Durringer, dramaturge et réalisateur dont le dernier film La conquête était présenté à Cannes, a joué sur les médias et entraîné un nombre important d’invitations dans les salons. "Nous avons reçu plus de sollicitations qu’habituellement pour les auteurs de premier roman, concède Yann Briand, du Passage. Et il faisait partie des têtes d’affiche."

Une prestation bouleversante

Surtout que Xavier Durringer est particulièrement à l’aise face au public. La personnalité de l’auteur joue énormément, notamment pour la promotion télévisée. "Il y avait un terreau favorable grâce à la presse écrite et aux librairies, mais c’est l’émission de Ruquier qui a mis le feu aux poudres", poursuit Yann Briand. 10 000 exemplaires de Sfumato sont sortis en librairie et une réimpression de 2 000 volumes vient d’être lancée. Même chose pour Sophie Daull qui, après une prestation bouleversante à "La grande librairie", entre dans les listes de meilleures ventes. Le livre, qui était déjà à 6 000 ventes, atteint aujourd'hui les 17 000 sortis.

Ces cinq auteurs aux débuts prometteurs ont d’autres romans en préparation et leurs éditeurs ont la satisfaction d’avoir découvert des écrivains. "C’est particulièrement important, explique Manuel Carcassonne, arrivé en 2013 à la tête de Stock, car ces voix participent au renouvellement que j’essaie d’insuffler." Déjà pour sa rentrée l’an dernier, il avait édité le premier roman phénomène d’Adrien Bosc, Constellation. Lauréat du grand prix du Roman de l’Académie française, le titre a dépassé les 120 000 ventes.

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