L’artiste et chanteuse Mai Lan fait aussi partie des auteurs de la rentrée à prendre la plume sur le sujet. Son album jeunesse Le loup paraît le 3 septembre chez La Martinière Jeunesse. "Pour nous, c’est un vrai acte militant de publier cet ouvrage", affirme Marie Bluteau, responsable éditoriale de La Martinière Jeunesse. La maison a conclu une collaboration avec le collectif Prévenir et Protéger qui réunit 14 associations de promotion et de protection des droits des femmes et des enfants. Un certain nombre d’ouvrages seront distribués au collectif pour qu’ils soient diffusés dans leur réseau et accessible au plus grand nombre.
Des témoignages et de la prévention
Au témoignage s’ajoute une part de prévention. Le loup de Mai Lan, comporte un cahier d'accompagnement à la 3e de couverture. Rédigée par Coralie Diere, psychologue clinicienne, cette partie contient des ressources à destination des professionnels et des parents. Mai Lan a également réalisé une chanson et vidéo de prévention à scanner via un QR code à la fin de son livre. "Cela n’avait pas de sens de publier sans", justifie Marie Bluteau.
Un acte militant pour briser le silence
Les auteurs veulent sensibiliser. "Si ça peut faire du bien à l’autrice et faire bouger la société, notre rôle est rempli", approuve Grégory Berthier, directeur éditorial chez Plon. Il a accompagné la réédition le 9 septembre d’Inceste écrit par Virginie Talmont. Près de 20 ans après sa publication initiale, l’ouvrage obtient une préface d’Eva Thomas, première victime d'inceste à témoigner en France à visage découvert. "Ce sont des ouvrages d’utilité publique", lance l’éditeur.
"La parole se libère et maintenant, qu’est ce que vous en faîtes ?" s’interroge de son côté Christophe Guias, directeur littéraire de Payot. L’éditeur a assisté l’écrivain Bruno Clavier et la psychologue Inès Gauthier pour L'inceste ne fait pas de bruit : des violences sexuelles et des moyens d'en guérir à paraître le 8 septembre. "Publier un livre comme celui-ci met le doigt sur la responsabilité collective de la société - parler ne suffit pas - il faut se demander ce qui doit être fait pour que l’inceste ne se produise plus."
Dans la collection Espaces libres d’Albin Michel, l’ouvrage de Catherine Bonnet, L'enfant cassé : l'inceste et la pédophilie connaît le 1er septembre une réédition en format poche. Initialement publié en 1999, l'essai est "complétement d'actualité" selon son éditrice Mathilde Nobécourt. Après un passage en revue de la prise en charge de l’inceste, l’autrice et pédopsychiatre, explique comment reconnaître cliniquement les traumatismes d'enfants victimes et donne des repères quant à leur protection.
Pour Hors de toi de Sandrine Girard paru le 18 août (Calmann Lévy), la narration choisie interpelle le lecteur. "Le texte est écrit à deuxième personne du singulier, cela ne crée pas une distance avec le lecteur, au contraire il est interpellé, il y a une forme d’identification plus forte", précise son éditrice Lisa Liautaud.
L’effet Kouchner
"Il n’y a pas de levée de bouclier, et c’est sans doute lié à la médiatisation de La familia grande, il y a comme une prise de conscience autour de l’inceste", partage Lisa Liautaud. Paru le 7 janvier aux éditions du Seuil, La familia grande de Camille Kouchner s’est écoulée à près de 262000 exemplaires selon GFK et une version audio sera publiée chez Lizzie le 9 septembre. Dans l’ouvrage, elle accuse son beau-père Olivier Duhamel d’avoir agressé sexuellement son frère jumeau alors qu’ils avaient 14 ans. Le politologue a été contraint de démissionner de certaines de ses fonctions et a été visé par une enquête pour "viols et agressions sexuelles".
Les éditeurs restent prévoyants pour aborder ce sujet sensible. L’album jeunesse Le loup de Mai Lan contient sur sa couverture un sticker : "un album pour briser le tabou". "J’ai reçu beaucoup plus de propositions d’ouvrages depuis La familia grande, je ne saurai pas dire si la société est véritablement prête, mais si elle ne l’est pas, il est temps qu’elle le soit", conclut Marie Bluteau.
Bien que plusieurs projets de la rentrée littéraire étaient prévus avant la parution de ce livre, les éditeurs se rejoignent pour dire que Camille Kouchner a permis une plus grande libéralisation de la parole. "Camille Kouchner a peut être fait du bien par le choix des mots utilisés, lorsque nous sommes entourés de silences, quand d’autres parlent l'on se sent moins seuls", estime Christophe Guias.