Salvador Allende, Miguel Enriquez… Le premier, socialiste, qui présida le Chili de 1970 à son renversement et son suicide en 1973 par le coup d’Etat du général Pinochet, misait sur le légalisme et la voie électorale pour transformer le pays. Le second, secrétaire général du MIR, le Mouvement de la gauche révolutionnaire, jugeait plus réaliste la lutte armée, dans laquelle il s’engagea en passant dans la clandestinité après le coup d’Etat, jusqu’à ce qu’il soit tué en octobre 1974 par la junte militaire. Leurs différends mais aussi leur amitié sont au cœur de Vaincus mais vivants.
Quarante ans après des événements qui ont marqué leur époque, d’autant que la junte recourait systématiquement à la torture et aux assassinats, Maximilien Le Roy, au scénario, et Loïc Locatelli Kournwsky, au dessin, retracent les faits en s’appuyant sur les souvenirs de Carmen Castillo. Successivement femme d’Andrés Pascal, un neveu d’Allende qui devint l’un des dirigeants du MIR, et de Miguel Enriquez, elle fut une militante active et une résistante. Arrêtée en 1974, expulsée grâce à la campagne internationale menée par Régis Debray, elle se réfugia en France comme de nombreux Chiliens persécutés par le régime Pinochet, signant un film documentaire et deux livres autobiographiques. Maximilien Le Roy l’a aussi longuement interviewée.
Les deux auteurs mettent en parallèle son parcours dans les années 1960 et au début des années 1970, et son retour en 2002 sur les traces de sa jeunesse. Ils font ainsi revivre avec une finesse et une empathie soulignée par un beau travail sur la couleur les combats d’une génération meurtrie.
Fabrice Piault