Il est étonnant de voir un livre récolter tant d’éloges et ne pas être de la liste des Goncourt. Paradoxe. Car Laurent Mauvignier (Dans la foule, Minuit) attire les louanges, pour son style, mais surtout pour l’impression qu’il laisse au lecteur. Aucun bémol dans la partition pour ce « chef d’orchestre virtuose » (Madame Figaro). « Une composition subtile, complexe, admirablement maîtrisée » (L’express), « Mauvignier compose un admirable « roman chorale », au fil des monologues entrecroisés » (Lire) où les critiques ont particulièrement aimés les personnages de Tana et Jeff.
« Dans la foule est un superbe et puissant huis clos de voix, une chorale de monologues intérieurs singuliers qui, ensemble, et de façon prégnante, tissent le récit de ses instants de débâcle, en sondent l’absurde et sourde et inintelligible violence. » (Télérama) « Ils ont chacun leur voix, chacun leur langue, leur ton, mais disons que tous les quatre parlent le Mauvignier couramment. » (Libération qui lui avait consacré tout un dossier « fanatique »). Les mêmes mots reviennent, toujours. Monologue. Chorale. Drame. Il y a ceux que le style fascine et les autres qui retiennent surtout l’impression laissée.
Affaire de style
« Car peu d’écrivains possèdent la maîtrise du monologue intérieur comme Laurent Mauvignier. Maîtrise qui prend la forme paradoxale d’une non-maîtrise : la phrase est lâche, elle se répète, s’interrompt, se reprend sans logique apparente. » (Le magazine littéraire) Et si la construction est admirable et la langue « d’une incroyable fluidité » (Lire) le roman n’en est pas moins « étouffant. Entre les préliminaires du drame, la tragédie elle-même et ses ondes de choc, le lecteur cherche sa respiration. Parfois, il repose le livre, ouvre la fenêtre, avale de l’air pur, avant de le reprendre. Il sait très bien que, vers la page 100, il va être soudain bousculé, piétiné, écrasé, déchiqueté.» (Le Nouvel Observateur)
« La démonstration littéraire devient éblouissante. Mauvignier décrit avec une extrême justesse ses héros - jamais caricaturaux – perdus dans le mouvement général, houle humaine qui pourrait renverser les naufragés à tout moment. » (So foot)
Et Le Monde en rajoute : « On reste profondément impressionné par la puissance, la rigueur et la subtilité narrative du livre. Mais cela ne serait rien – ou si peu – sans sa visée réelle : une sorte de parti pris, d’engagement, au sens le plus noble de ces mots. »
Un certain regard
« Chez Mauvignier, l’observation fascinée des menus gestes, des tics humains est frappante. (…) Autant d’icônes qui marquent cet événement massif d’un sceau déchirant et secret et nous renvoient à l’effroi de la solitude et de l’abandon. » (Le figaro littéraire) « Au travers de monologues intérieurs, Laurent Mauvignier raconte le chaos, la peur, les cris, la fuite, les visages, la solitude surtout, d’une manière vraiment saisissante. » (Elle)
« On y devine tout. L’odeur des frites, un accent grasseyant, les bières goulûment avalées à coup de grandes pintes. On entend les trompes. On sent l’âcre des fumigènes. Et quand le drame survient, la magie de ce livre fait qu’on ne peut être ni dans un camp ni dans l’autre, mais que l’on devient soi-même foule et magma, hommes seuls, rassemblés en un peuple. De cette foule, solitaire et brutale, Laurent Mauvignier a su extraire l’essentiel de ce qui devient une œuvre, une extrême humanité servie par un style unique. » (Sud Ouest)
Racines
De nombreux critiques tissent des liens avec son œuvre : « Dès son premier roman, Loin d’eux, Laurent Mauvignier inventait une forme de monologue à plusieurs voix. » (La croix) Il « retrouve son écriture et sa thématique. (…) Mais Dans la foule possède une ampleur particulière. Le moi se bagarre, non pas avec un environnement familial ou amoureux, mais avec un événement collectif. » (Le journal du dimanche)
Emportés par la foule (titre souvent repris par les médias), la presse salue l’ambition du roman, « expérience d’une génération », traitant des villes et de l’Europe. On salue « le retour en force d’un réalisme social et politique d’une grande beauté verbale » (La croix).
Un match c’est irrationnel. Mauvignier semble avoir perdu la course aux prix. Pourtant la victoire est encore possible : « Ne cherchez pas à comprendre. Lisez. C’est inoubliable. » (Le Nouvel Observateur)
Sauf pour Marianne, sous la plume de Patrick Besson. Les monologues se muent en « roman polyphonique ». « Catalogue de la redite », ici il ne compose pas, « il décompose. » « Avec Mauvignier, ça ne va pas mieux en le disant mas en le disant deux fois. Le livre compte 373 pages, il pourrait y en avoir moitié moins : l’histoire serait toujours aussi claire. Comme une soupe. »
Laurent Mauvignier, Dans la foule (Minuit)