L'île noire. Si l'on en croit la brève biographie qui accompagne ce livre ainsi que la photo de son auteur Robin Josserand, il est possible que Prélude à son absence, comme la majorité des premiers romans, comporte une partie autobiographique. On l'espère, dans ce cas, habilement tricotée et partielle concernant la fin du roman, que l'on ne dévoilera évidemment pas ici. Mais le titre même, un certain nombre d'indices concomitants distillés par le narrateur tout au long, son style et l'ambiance générale, hantée par le Journal du voleur de Genet et les Variations Goldberg interprétées par Glenn Gould, ne présagent pas d'une œuvre primesautière. Mais l'on sait, depuis Gide, que les bons sentiments ne font pas la bonne littérature.
Celle-ci ne peut donc qu'être excellente, puisque le narrateur, Robin, 30 ans, fasciné, obsédé par les gars plus jeunes que lui, se voit déjà comme un vieillard chétif et impuissant et se dépeint en exécrable magasinier à la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon. Fainéant, absentéiste, pseudo-écrivain, peu fiable et même à l'occasion voleur d'ouvrages de... Jean Genet - mise en abyme subtile et intello. On n'en attendait pas moins de ce garçon lettré mais qui a tendance à étaler sa large culture. Surtout devant Sven, un clochard crado de 22 ans qu'il rencontre par hasard dans la rue, puis retrouve dans le métro, dans un squat pourri, et finit par attirer et installer chez lui, fou de désir et raide amoureux, quoiqu'il s'en défende. La relation est par force inégale, et même glauque : Sven, jeune bourgeois en rupture de ban, fuyant une mère ultra-bigote, se revendique hétéro et refuse brutalement toutes les avances de Robin. Lequel, pathétique, s'impose à lui en tant que logeur, l'entretient d'un billet en échange d'un simple sourire, et lui offre des cadeaux dispendieux : Genet (encore) en « Pléiade », ou un imperméable à 480 euros !
Robin n'obtiendra jamais les faveurs de Sven. Il le sait dès le début. Et son seul espoir sera douché dans l'île de Groix où il a eu la mauvaise idée de partir avec son « ami » pour quelques jours de vacances. Le temps est exécrable, les garçons ont peu en commun à part les clopes et le mauvais vin, rien à se dire, et Sven est vraiment odieux. Un happy end eût été peu crédible.
Robin Josserand ne s'y est pas risqué, qui fait preuve de réelles qualités stylistiques, d'une belle originalité, et de l'audace d'aborder des thématiques sensibles. Pas mal, pour des débuts en littérature.
Prélude à son absence
Mercure de France
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 17.50 € ; 168 p.
ISBN: 9782715262126