« Quand une guerre est finie, c'est fini. Il faut l'oublier, le temps tourne, on va de l'avant, ce qui a été perdu ne se retrouve pas. » Tel n'est pas l'avis d'Ingrid, une jeune femme qui a vécu une période enchantée par des temps bien sombres. Elle réside sur une île de baleiniers appelée Barrow. « Vue du ciel, elle ressemble à une empreinte de pied dans la mer, avec des orteils meurtris. » C'est là qu'a échoué Alexander, un soldat russe. Il fait partie des survivants du Rigel, un navire à l'histoire aussi houleuse que la mer. Lorsqu'Ingrid trouve cet homme blessé, elle le perçoit « comme un trésor au milieu d'une catastrophe ». Elle le chérit, le soigne et l'aime profondément. « L'amour était traître », mais il a donné naissance à une petite Kaya. Alexander « avait survécu aux batailles les plus sanglantes, aux camps marqués par la mort, la faim et la violence », mais malgré cette chance, il disparaît sans laisser de traces. Ingrid ne s'en remet pas.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette mère solaire prend le parti de le retrouver. Tout le monde a beau la décourager, elle n'écoute que son cœur. Après avoir enveloppé son bébé sur son ventre, elle part à sa recherche. Une traversée de la Norvège et de sa nature exceptionnelle. Ainsi, Ingrid « buvait aux ruisseaux qui coulaient dans le silence, elle écoutait la forêt qui bruissait sans vent » et se laissait porter au gré de ses sentiments. Mue par l'espoir, elle cherche des témoins qui auraient pu croiser Alexander. Autant de rencontres touchantes, portant les stigmates brûlants de la guerre. Certains ont préféré collaborer ou trahir, d'autres ont essayé d'être des héros, mais l'auteur désire surtout montrer comment ils ont survécu. Parmi eux, Mariam, une résistante qui a perdu tous les siens, ou Henrik, aux premières loges de l'histoire qui a opposé les Russes aux Allemands. Peu à peu, Ingrid découvre des pistes sur son bien-aimé. Pour elle, « Alexander est en vie, personne ne pourrait être plus vivant que lui ». Même si nul « ne veut lui dire la vérité », elle sent qu'elle doit juste continuer sa quête. « Le périple en lui-même avait sa propre vie... » Un roman à la Jón Kalman Stefánsson, dans lequel une femme cherche l'amour et la paix.
Les yeux du Rigel Traduit du norvégien par Alain Gnaedig
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20 € ; 256 p.
ISBN: 9782072893384