9 JANVIER - ESSAI France

Jean-Noël Liaut- Photo JACQUES LOISELEUR DES LONGCHAMPS/PAYOT

Dans les années 1920, on disait d'un garçon débauché qu'il "garçaillait". Le verbe faisait référence aux garces, dans le sens de "femmes de mauvaise vie" selon la définition donnée par les dictionnaires rédigés par des hommes... Ce n'est pas l'acception retenue par Jean-Noël Liaut. Enfin pas vraiment. Chez lui, la garce s'apparente à un titre de noblesse, une forme d'aristocratie chez la femme de caractère, une incarnation de la liberté.

Car souvent, ces effrontées magnifiques ont eu une enfance difficile, voire perturbée, avant de connaître la célébrité. Méprisées par leur mère comme Elsa Schiaparelli, malmenées par la pauvreté comme Arletty, chassées par les nazis comme les soeurs Gabor, elles ont pour point commun d'avoir fait passer au premier plan leur fantaisie, leurs bons mots et leur méchanceté de façade.

Pour évoquer ces sacrés chameaux, il a retenu une vingtaine de personnalités, de l'Eve biblique - "la première garce de l'Histoire" - à Bette Davis en passant par les salonnières des Lumières. Il a même tenté un classement, mais la plupart résistent à tout enfermement dans une catégorie. Un dénominateur les réunit pourtant : toutes avaient de la classe et de la repartie. Louise de Vilmorin qui se rebaptise "Marilyn Malraux" lorsqu'elle partage la vie d'André, Zsa Zsa Gabor qui se défend cyniquement de sa misanthropie - "Je n'ai jamais assez détesté un homme pour lui rendre ses diamants" - ou Dorothy Parker avec ses formules à l'emporte-pièce : "Si vous voulez savoir ce que Dieu pense de l'argent, regardez à qui ressemblent ceux à qui il le donne..."

Peste ou mégère, Jean-Noël Liaut met en évidence chez la garce son appétit de vivre. "Elle n'est intolérante qu'à la frustration." Elle n'éprouve pas non plus le besoin d'être aimée à tout prix. Si la chose arrive, tant mieux. Sinon, tant pis. Elle se console avec le mot d'esprit lancé comme un combat par Pauline de Metternich sous le Second Empire : "Je ne suis pas jolie, je suis pire !"

Jean-Noël Liaut a déjà consacré plusieurs livres à des femmes d'exception. Biographe de Karen Blixen, de Madeleine Castaing et de Toto Koopman, le premier mannequin métisse célèbre (La Javanaise, Robert Laffont, 2011), il s'est aussi intéressé à l'excentricité dans un brillant essai (Les anges du bizarre, Grasset, 2001).

Il était donc tout désigné pour se pencher, rapidement peut-être mais avec une écriture réjouissante, sur ces "garces glamour", "grandes horizontales" et autres "cosmopolissonnes". Et l'on aurait bien tort de voir dans cet Eloge des traces d'une quelconque misogynie. C'est au contraire ce qu'il y a derrière cette notion très masculine de garce - du féminin de gars... - qui est mis en évidence avec humour et élégance. Après tout, garce est l'anagramme de grâce...

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