La bibliothèque de Sciences po Paris vient de rendre publics les résultats d’une enquête menée auprès de ses usagers suivant une méthodologie très originale. Véritable investigation ethnologique, cette méthode, baptisée "Sweeping the library" - littéralement "balayer la bibliothèque" - repose sur l’observation fine des comportements et activités des lecteurs pendant leur séjour à la bibliothèque. L’objectif : déterminer les utilisations des différents espaces afin de mieux adapter ces derniers aux usages qui en sont faits.
De février à septembre 2014, 6 binômes constitués de salariés volontaires ont accompli 103 "rondes" dans les deux salles de lecture de la bibliothèque situées dans des bâtiments voisins. Le premier observateur se promenait discrètement près du lecteur ciblé et transmettait les informations à son complice qui les saisissaient sur une tablette. La grille d’observation permet de détailler le mobilier et l’équipement de l’espace où se trouve l’usager, les effets personnels de ce dernier, les activités qu’il y mène (lire, écrire, utiliser un ordinateur, envoyer un SMS, boire, manger, dormir, etc.).
Au total, 2 400 lecteurs sur les 12 000 inscrits actifs que compte la bibliothèque ont été observés. Les données collectées montrent que les étudiants ont une utilisation très classique de la bibliothèque. La lecture est la principale activité pratiquée et près de 75 % des usagers se consacrent à une activité scolaire. "C’est très instructif, souligne Cécile Touitou, responsable de la mission marketing de la bibliothèque de Sciences po. Cela montre le public réel et non le public fantasmé."
Initiée dans le but de trouver des solutions face à la saturation chronique de la bibliothèque, l’enquête a conduit notamment à l’élargissement des horaires d’ouverture : 8 h-23 h pendant toute l’année universitaire dès la rentrée.
Inspirée d’une technique mise au point par les aménageurs pour étudier les comportements des clients dans les centres commerciaux, cette méthode est couramment utilisée dans les bibliothèques anglo-saxonnes et en Europe du Nord. Dans le monde francophone, seules les bibliothèques universitaires de Louvain, en Belgique, et du Mirail, à Toulouse, y avait déjà eu recours.
Véronique Heurtematte