16 janvier > Essai/esthétique France

Dans l’art dit contemporain, on utilise certaines expressions pour décrire des réalités esthétiques spécifiques. Depuis Marcel Duchamp et son fameux hérisson, un porte-bouteilles acheté en 1914 au BHV, le lexique s’est enrichi du vocable « ready-made », défini plus tard par André Breton comme « objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste ». A la fin des années 1950, Allan Kaprow, à travers l’événement ou le pur geste de l’artiste, forgera la notion de « happening », laquelle recouvrira l’idée d’une intervention artistique (sans public), œuvre vivante faite de durée (plus ou moins longue) ; on lui substituera parfois le mot « performance » lorsque est présente une audience. « Installation » fait partie du vocabulaire usuel de l’art contemporain et se réfère à ces œuvres que jadis on aurait pu nommer sculptures mais qui semblent englober une réalité plus large que l’objet montré. L’installation n’est pas seulement la chose exposée, elle est aussi l’espace dans lequel elle se trouve exposée. L’œuvre dans ce cas est un tout qui contient jusqu’à l’espace de la création conçue en rapport avec lui, à savoir, in situ ou « site-specific », dit-on en anglais. C’est sans doute le surgissement de la performance avec Bruce Nauman et la génération des années 1970 qui vient après lui qui font exploser le retour du fétichisme de l’objet concret, de la sculpture telle que l’entendaient les hérauts du minimalisme américain : Carl Andre, Richard Serra, Donald Judd… Déjà le peintre expressionniste abstrait d’après-guerre Rothko avouait « [vouloir] créer un lieu ». C’est cette généalogie de ce type d’œuvre particulière qu’est l’installation que le critique d’art Itzhak Goldberg tente ici de retracer. Théâtre de la vie, pop art, nouveaux réalistes, vidéo, land art, architecture… autant de thèmes déclinés dans cet essai riche et synthétique qui va de la fin des années 1950 au début des années 1970. Cette dernière date ne marquant pas un coup d’arrêt mais signant au contraire l’intégration du concept d’installation dans la pratique artistique. Nulle œuvre sans lieu.

S. J. R.

10.01 2014

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