Délicieusement désuète. S'il ne fallait retenir qu'un de ces qualificatifs qui peuvent définir la littérature de Stéphane Hoffmann depuis Château Bougon jusqu'à son merveilleux Les belles ambitieuses (Albin Michel, 1990 et 2018), ce ne serait pas la désuétude - qui n'a toutefois pas ici le sens péjoratif que quelques fâcheux pourraient lui donner. Ce serait bien plutôt les délices d'humour et d'esprit français qu'il dispense sans faillir à son lecteur. En ce sens, son dernier livre, On ne parle plus d'amour, est parfaitement emblématique de son œuvre. On s'y enchante, on s'y désole, on y rit de l'époque et de ceux qui savent encore parfois si joliment et maladroitement la traverser.

Parmi ceux-ci, Louise Lemarié et Guillaume du Guénic. Ce serait de nos jours, ceux de l'éternité immobile de la bourgeoisie industrieuse et des hobereaux de province, dans le Morbihan (qui n'est pas pour l'auteur une province, mais un pays, presque le Neverland de Peter Pan...). Il y aurait un yacht-club, des banquiers soucieux, des patrons inconséquents, des chats et des chiens, des demeures familiales qu'il faudrait oser se résoudre à vendre, une vieille servante, des femmes aimables aux destins d'épouses et de fiancées. Le monde d'avant ? Et pourquoi pas ? Bref, Louise et Guillaume, au printemps venu, se rencontrent. Et bientôt ne se quittent plus. Il est entre eux, par souci de correction morale et sémantique, moins question d'amour que de le faire. Souvent, presque tout le temps et bien, tant qu'à faire. Tout irait sans doute pour le mieux dans le meilleur des mondes, si Louise n'était promise à un autre, un ambitieux sans charme, fat et maladroit, et son mariage prévu pour la fin de l'été. Si son père aussi n'était pas en train de faire sombrer son entreprise par son train de vie excessivement dispendieux et si son futur gendre n'était censé être la solution à ces problèmes barbants. Qu'importent ces contingences : les heureux amants, ne s'arrêtent pas à cela. Ils ne s'arrêtent pas du tout d'ailleurs. Ils vivent.

Ah, la belle histoire... Stéphane Hoffmann s'en donne et nous en donne à cœur joie. Il est complice de l'insolence et de la liberté merveilleuses de ses personnages. On songe parfois à la lecture de ces liaisons doucement sentimentales au meilleur de Sagan, celui de La chamade ou du Garde du corps. Bref, interdit aux trissotins, ce livre est épatant.