Il y a des signes qui ne trompent pas. "Je vais arrêter de mettre des baskets", affirme Louis-Henri de La Rochefoucauld, qui arbore en effet de luxueuses chaussures de ville anglaises. De même, à la fin du Club des vieux garçons, François de Rupignac, le narrateur, son double, tombé amoureux d’une Pauline, écrit : "Après tout ce temps perdu à jouer au vieux garçon, j’avais bien le droit d’être enfin un jeune homme."
A 32 ans, Louis-Henri, rangé et père de famille, publie son sixième roman, le premier chez Stock et son plus travaillé : il a pris son temps. Le précédent, Gaudriole au Golgotha, remonte à 2014, chez Gallimard. "Un bide absolu", commente l’auteur qui, contrairement à d’autres, ne se complaît pas dans l’autosatisfaction. A rebours. "Jusqu’à présent, il ne s’est pas passé grand-choseautour de mes livres, admet-il. Les premiers avaient été refusés partout avant d’être acceptés chez Léo Scheer. Mon "best-seller", c’est La Révolution française (Gallimard, 2013), 3 000 exemplaires !" Il faut dire à sa décharge que Gaudriole au Golgotha est paru le jour où Patrick Modiano, l’un de ses écrivains préférés, a eu le Nobel… On souhaite que la scoumoune soit derrière lui.
Un jeune homme moderne
Sans rien renier de son ADN aristocratique, de la peinture de ce milieu qui est le sien et où on se croirait dans Ala recherche du temps perdu, Louis-Henri se veut un jeune homme moderne, qui a "toujours voulu écrire". Certes, il demeure "un anachronisme sur pattes", mais, grâce au journalisme, il a ouvert sa plume à d’autres univers. Depuis dix ans, il est responsable de la musique à Technikart, "un journal de gens assez bizarres, dirigé par un grand déglingué, Fabrice de Rohan-Chabot". Qui se ressemble… Il collabore aussi à Schnock, le mook des "vieux de 27 à 87 ans, qui a entrepris de réhabiliter le patrimoine pop français des années 60 à 80".
L’écrivain jure que, dans son prochain roman, auquel il commence à songer, "il n’y aura pas d’aristos". En attendant, dans celui-ci, c’est un festival. Il a campé certains personnages hauts en couleur de sa famille, avec leur mélange unique de snobisme, de sophistication et de gouaille. "C’est "l’esprit Guermantes" chez Proust, "l’esprit Mortemart" chez nous", dit-il. Et leurs tics de langage : chez ces gens-là, un beau parti, c’est "un sac".
Louis-Henri a composé le nom de son héros à partir de Champignac, le village du comte Pacôme dans Les aventures de Spirou, et des Rupificaldiens, les habitants de La Rochefoucauld, berceau charentais de l’illustre famille. Afin d’être plus libre, il aurait pu prendre un pseudonyme. Il avoue y avoir songé. Mais "déjà,parfois, des gens pensent que c’est un faux nom". Il espère seulement que le côté fantaisiste du livre ne lui fermera pas les portes du Jockey Club dont son père et son frère sont membres. "C’est un peu le dernier rempart de la tradition." Une "réserve naturelle" où il n’est pas nécessaire d’être célibataire. Ouf ! notre homme est marié. Avec une Hortense, "homonyme d’une maîtresse de Chateaubriand". Bon sang (bleu) ne saurait mentir.
Jean-Claude Perrier
Louis-Henri de La Rochefoucauld, Le Club des vieux garçons, Stock. prix : 20 euros, 323 p. ; Sortie : 15 février, ISBN : 978-2-234-08193-2.