1ER OCTOBRE - RÉCIT France

Qui connaît Rosalie Scibor-Rylska, née à Cracovie en 1871 et morte à Vézelay en 1951 ? Dans la série des grandes muses de l'ombre, Thérèse Mourlevat a choisi d'honorer la mémoire de cette femme exceptionnelle, au parcours incroyablement romanesque, qui a vécu une passion tragique avec l'écrivain et diplomate Paul Claudel. Dans cette édition augmentée d'une biographie parue il y a dix ans chez Pygmalion et épuisée, l'auteure, claudélienne, reconstitue la vie de Rosalie à partir des documents mis à sa disposition par la fille illégitime du couple, Louise Vetch, dont elle a été l'amie jusqu'à sa mort en 1996 et qui l'a désignée comme exécutrice testamentaire pour la correspondance, les papiers de famille et les photographies. "Ce que je tais relève de ce que je ne peux pas prouver. Je n'ai pas romancé la vie de Rosie, même si la vérité peut paraître extravagante », précise-t-elle. De fait, la trajectoire de cette jeune Polonaise magnétique a tout du grand destin romantique : son enfance privilégiée à Bayonne, son séjour de jeune mariée à La Réunion dans sa belle-famille, jusqu'à la rencontre avec Paul Claudel sur le paquebot qui conduit Rosalie en Chine où elle doit rejoindre son mari, Francis Vetch, le père de ses quatre fils, tandis qu'à 32 ans l'écrivain français, qui n'a pu entrer dans les ordres comme il le désirait, s'apprête à prendre un poste de consul à Foutchéou. Plus tard, ce sera le scandale d'une relation adultère interdite pourtant vécue au grand jour dans la résidence de fonction de Paul Claudel, la fuite de Rosalie enceinte, la naissance de leur fille, Louise, qui n'apprendra qu'à 28 ans l'identité de son père biologique, les retrouvailles des années plus tard des deux amants...

Sans doute, cet amour fou serait-il d'un intérêt privé mineur s'il n'avait nourri plusieurs des pièces cultes de Claudel qui a transfiguré son drame sentimental en drame mystique : Rosie a en effet clairement inspiré l'Ysé du Partage de midi qui contient aussi la scène du coup de foudre en mer, ainsi que le personnage de Prouhèze dans Le soulier de satin. Bref, cette passion coupable est pour la biographe "la clé de toute l'oeuvre » de Claudel... qu'il n'est cependant pas nécessaire d'avoir lue pour apprécier ce grand roman d'amour et d'aventures.

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