19 JANVIER - ROMAN Allemagne

Commencé en 1942, achevé après la Seconde Guerre mondiale, publié d'abord en 1959 puis en 2005 en Allemagne, La mort de l'adversaire est un puissant récit allégorique qui arrive enfin en France grâce à Anne Freyer-Mauthner. Le lecteur va découvrir des notes écrites en allemand et remises à un avocat néerlandais au lendemain de la guerre. L'homme qui y prend la parole évoque d'abord le moment où l'idée de la mort l'a assailli. Pas la sienne, non, celle de son ennemi. "Je veux qu'à sa dernière heure, lui qui a su tout au long de sa vie qu'il était mon ennemi et moi le sien se rappelle ceci : la pensée que m'inspire sa mort est digne de notre longue inimitié", note-il.

L'objet de tant de ressentiment, il choisit de l'appeler B. Le narrateur, qui a été professeur de sport, a entendu prononcer son nom pour la première fois alors qu'il avait 10 ans. C'était de la bouche de son père, un photographe qui lui a expliqué quel terrible danger représentait B. Le petit garçon d'alors aimait les timbres, et même en fabriquait. Ses camarades auxquels il n'avait pourtant jamais causé de tort le persécutaient. Lors des parties de football, c'est lui que l'on visait, pas le ballon...

Plus tard, il lui arriva d'assister à un discours de B. dans une auberge. Petit personnage éructant, celui-ci s'époumonait avec énergie. "J'ai l'impression qu'il criait comme un homme qui se noie appelle au secours", se souvient-il... Il n'est ici jamais question de juifs, de nazis, d'Hitler, de national-socialisme. Pédopsychiatre et écrivain d'origine allemande né en 1909, Hans Keilson s'est réfugié aux Pays-Bas en 1936 où il devint un résistant actif. La mort de l'adversaire frappe par sa force d'évocation, sa manière de montrer la montée de la haine sans jamais hausser le ton, presque clinique, son art de la suggestion. Un texte important que l'on aura du mal à oublier.

23.02 2015

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