Arrivé en septembre comme directeur adjoint de l’Intitut français au Maroc, Paul de Sinety avait à cœur de proposer un grand événement pour la saison culturelle 2014 et n’a pas ménagé ses efforts pour réussir à monter, en deux mois, avec Etonnants voyageurs, un ambitieux festival à Rabat, en présence de 90 invités dont le prix Nobel de littérature J. M. G. Le Clezio, de Abdellatif Laâbi, Patrick Chamoiseau ou Boualem Sansal (1). Le festival malouin était à la recherche d’un ancrage sur le continent africain pour parler des "printemps arabes", pour "prendre la mesure des révolutions culturelles ", selon Michel Le Bris, fondateur d’Etonnants voyageurs. L’Institut français s’est occupé de monter les financements avec les partenaires privés et publics du pays.
L’institution travaille aussi dans la durée en aidant à la professionnalisation de la chaîne du livre. Elle fera en sorte que, pour la première fois, le Maroc ait un stand à Francfort, avec l’aide du ministère de la Culture marocain qui vient de débloquer 10 millions de dirhams (près d’un million d’euros) au titre des subventions aux métiers du livre.
Le pays compte une vingtaine d’éditeurs professionnels qui publient en français et en arabe, dont plusieurs sont diffusés en France comme Tarik, via L’Oiseau indigo, ou Yomad, pour la jeunesse, via Pollen. Même si l’activité en librairie est mauvaise ces derniers temps, "le marché évolue timidement, mais il évolue", note Nadia Essalmi qui a créé Yomad en 1998 et est secrétaire générale de l’Association pour la promotion du livre et de la lecture. "Le secteur n’est pas réglementé, tout le monde fait de tout, l’auteur crée une maison pour publier son livre, l’imprimeur édite, les écoles se fournissent directement auprès des grossistes…" Or le pays compte un petit réseau de librairies qui font principalement du scolaire, une poignée de généralistes et quelques grandes surfaces culturelles comme la Fnac depuis deux ans et Virgin, sous franchise depuis 2013. Une très belle librairie généraliste, Préface, a ouvert en août dernier à Casablanca sur 500 m2 et une librairie en ligne, Livre-moi, a même vu le jour il y a quatre ans. Et pour trouver des employés qualifiés, ces professionnels peuvent puiser depuis 2008 dans les promotions de 20 étudiants de la licence professionnelle Métier du livre, créée par Kacem Basfao, à Casablanca.
Reste que le marché du livre doit faire face au faible pouvoir d’achat d’une grande partie de la population et à la censure qui se focalise sur deux sujets : la famille royale - il n’y a aucune chance de pouvoir acheter au Maroc un livre comme Le roi prédateur de Catherine Graciet et Eric Laurent (Seuil, 2012) - et le Sahara occidental, ce qui fait que tout ouvrage représentant les frontières du Sahara est bloqué, tout comme les cartes, les livres de géographie. A un moment, le journal Le Monde a même été interdit en raison des cartes de la région qui y étaient reproduites.
De Rabat, Anne-Laure Walter.
(1) Voir les articles sur Livreshebdo.fr