Aude de Tocqueville, spécialiste du patrimoine français, cède à sa passion pour les Cités perdues. Une fascination née un jour dans les ruines de Fatehpur-Sikri, non loin d’Agra et de son Taj Mahal, la capitale éphémère de l’empereur moghol Akbar. De là son idée de rassembler, dans un atlas, une quarantaine de sites abandonnés, soit par le passé, soit à l’époque moderne. Le tout classé par continents - surtout en Asie, rien en Océanie.
Dans la première catégorie, on revisite quelques villes illustres, chargées d’histoire, voire de mythes : Carthage détruite par les Romains, dont les rares restes sont enclavés dans les faubourgs de Tunis urbanisés à grandes guides ; Djemila l’Algérienne célébrée par Albert Camus ; Antinoé, symbole de l’amour de l’empereur Hadrien pour le bel Antinoüs, mort en pleine jeunesse ; Leptis Magna, jusqu’ici préservée de la guerre civile qui déchire la Libye, tandis que Mari, en Syrie, Babylone en Irak ou Ma’rib, au Yémen, sont, elles, en grand péril. Ou encore Angkor, que l’on visite à la suite de Pierre Loti. Pour la période moderne, il s’agit de sites tristement célèbres à cause de la folie des hommes : Hiroshima ou Prypiat, évacuée après Tchernobyl, Agdam l’azerbaïdjanaise détruite par les Arméniens, ou Epecuen, station balnéaire argentine engloutie en 1985 par un tsunami. Ou encore, de villes minières jaillies du sol pour cause de fièvre d’or, d’argent, de charbon ou de diamants, et devenues fantômes une fois les gisements épuisés.
Quant à la France, et c’est peut-être le plus beau chapitre, Aude de Tocqueville nous fait redécouvrir Fleury-devant-Douaumont, l’un des neuf villages martyrs de la bataille de Verdun, déclarés "morts pour la France" tout en conservant virtuellement leur statut de commune. Une autre façon de commémorer la guerre de 14-18. J.-C. P.