L’idée est née dans la tête de l’autrice franco-suisse Delphine de Stoutz en mars 2019. "J’écris en français et je vis à Berlin. Je voulais savoir si nous étions plusieurs dans mon cas. Alors, j’ai lancé un événement Facebook pour organiser une rencontre informelle autour d’un verre", se souvient-elle. Une vingtaine de personnes répondent à son premier appel. "Nous avons discuté à bâtons rompus de nos difficultés, nous avons échangé des anecdotes et des conseils", relate-t-elle. Rapidement, le groupe se réunit tous les mois, organise des ateliers d’écriture, de relecture et monte des "scènes pour lire". Ce concept berlinois, inconnu en France, permet à un auteur ou une autrice de lire un texte, micro à la main, pendant dix minutes devant un public.
En février 2020, le Réseau des autrices francophones de Berlin prend officiellement vie. Il a vocation à accompagner et soutenir les femmes dans l’écriture et la diffusion de leurs textes, mais aussi de créer un pont entre les langues françaises et allemandes. Décision est ainsi prise de n’accepter aucun homme. "Notre parole changeait à partir du moment où des auteurs étaient présents, relève Delphine de Stoutz, nommée présidente de l’association. Nous voulions créer un espace où notre parole est complètement libre et dans lequel inventer d’autres mécanismes de travail collaboratif".
Une chambre à soi
Alors que l’épidémie de Covid déferle sur le monde en mars 2020, le Réseau s’adapte et poursuit ses ateliers en ligne. L’artiste, curatrice et productrice Marie-Pierre Bonniol soumet alors l’idée de créer un Hôtel des autrices, une résidence d’écriture bilingue en ligne mais aussi plateforme de diffusion des textes. Cet hôtel a officiellement ouvert ses portes virtuelles en janvier dernier.
"Une femme, pour être en mesure d'écrire, doit avoir de l'argent et une chambre à elle", écrivait en 1929 Virginia Woolf dans Une chambre à soi. Mais, presque un siècle plus tard, "les femmes manquent parfois d’espace à elles. Très peu de cadres leur sont offert", souligne Marie-Pierre Bonniol. L’Hôtel des autrices vient donc proposer une alternative. C’est "un lieu imaginaire dans lequel se projeter et où les femmes peuvent arriver comme elles sont", assure la curatrice. Les autrices sont sélectionnées selon des "critères exigeants", insiste l’autrice et journaliste Cécile Calla, membre du bureau de l’association. Elles sont aussi rémunérées, tout comme les traductrices avec lesquelles elles collaborent. Sept autrices ont participé au programme depuis sa création.
Après une première année d’expérimentation, l'équipe de l'Hôtel des autrices veut continuer de faire évoluer sa plateforme. Et le Réseau des autrices francophones de Berlin prépare des rencontres internationales dans la capitale allemande, prévues pour cet automne, autour des thématiques centrales de son Hôtel : celles de la place des femmes dans la littérature, les liens entre littérature francophone et germanophone, l’invitation dans la littérature numérique et les arts littéraires.