25 janvier > Histoire France

Grâce au jeu énergique de Kirk Douglas, Stanley Kubrick a fait de Spartacus un gladiateur et un condottiere, un héros à la fois rebelle et prophète. Le film de 1960 est magnifique, mais l’histoire est fausse. Avec beaucoup d’esprit, à la manière du regretté Lucien Jerphagnon qui racontait l’Antiquité comme s’il y avait passé ses vacances, Yann Le Bohec se propose de dire ce que l’on sait vraiment de ce Thrace dans l’histoire.

Au niveau documentaire, cela tient en quelques pages de cinq auteurs anciens dont Salluste. C’est peu, mais suffisant pour savoir que Spartacus est né vers 93 avant J.-C. en Thrace, au sein d’un peuple semi-nomade ; qu’il fut victime d’une razzia, emmené à Rome, puis vendu au propriétaire d’une école de gladiateurs à Capoue. Ce combattant qui revendiquait son statut d’homme libre provoqua une révolte qui fit trembler Rome pendant près de deux ans. A la tête d’une bande de 70 gladiateurs auxquels vinrent se joindre des milliers d’esclaves, il devint chef de guerre et se constitua une armée qui vécut du pillage et défia les légions romaines jusqu’à ce que Crassus écrase la rébellion en 71 avant J.-C. On apprend aussi que Spartacus ne fut pas le seul insoumis et que deux autres troupes menées par Crixus le Frisé et Oinomaos l’Ivrogne, deux gladiateurs gaulois, résistèrent aussi mais moins longtemps à Rome.

Au XXe siècle, les historiens marxistes firent de Spartacus un héraut du prolétariat, et les scénaristes d’Hollywood un héros romantique. Yann Le Bohec nous livre une vérité plus simple, mais non moins glorieuse. Ce professeur émérite (Paris-4 Sorbonne), coauteur d’une fameuse Histoire romaine (rééditée en "Quadrige" aux Puf le 24 février), dévoile un homme courageux, autoritaire et intelligent qui chercha à recouvrer sa liberté, à retourner dans son pays et tomba les armes à la main. Ce n’est déjà pas si mal. D’autant qu’il contribua tout de même à ébranler les certitudes romaines sur l’esclavage et la gladiature. Après le livre d’Aldo Schiavone A la recherche de Spartacus (Belin, 2014), voici une autre impeccable étude qui allie le sérieux des sources au plaisir de la lecture.

Laurent Lemire

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