8 octobre > roman Grande-Bretagne

William Boyd a toujours excellé dans le portrait de femmes confrontées à des vents contraires. L’héroïne de son nouveau roman, Amory Clay, est d’évidence l’une de ses plus belles créations. Comment ne pas succomber au charme d’une photographe qui se dit soucieuse d’arrêter "la marche impitoyable du temps", de figer les instants fugaces ?

Amory est née le 7 mars 1908, affublée d’un prénom androgyne, dans l’Angleterre d’Edouard VII. Elle est la fille aînée de B. V. Clay, nouvelliste, romancier raté et "homme de lettres polyvalent". Sa mère, elle, est une dame qui réussit "fort bien à dissimuler tout sentiment affectueux qu’elle aurait pu éprouver pour ses enfants", tant pour Amory que pour les deux suivants, Peggy et Alexander.

L’existence de la gamine n’est plus la même à partir du moment où elle reçoit pour ses sept ans un appareil photo Kodak Brownie n° 2 en cadeau de son oncle Greville. Amory elle-même le raconte en 1977. A cette époque elle roule dans une Hillman Imp et habite un cottage sur l’île de Barrandale, en Ecosse, en compagnie d’un labrador noir fidèle et affectueux, Flam, et de quelques bouteilles de whisky. A une enfance dans le Sussex, succède une adolescence en pension. Avec un père, marqué par la Grande Guerre, qu’elle sauve de la noyade qu’il a provoquée. A 19 ans, Amory prend son envol. Elle commence à seconder son oncle Greville, un photographe mondain à l’allure aussi soignée que sa moustache. Quelqu’un qui affirme qu’il suffit "de quatre adjectifs pour décrire absolument n’importe qui dans le monde entier".

Le lecteur n’a aucune envie de quitter Amory. Ni quand elle se rend à Berlin en 1931 et y pénètre dans les lieux interlopes, ni quand elle expose pour la première fois dans le West End et fait scandale, ni quand elle débarque à New York et s’installe à Greenwich Village, ou qu’elle se rend à Paris en 1944 et au Vietnam, lorsque démarre l’offensive du Têt. Encore moins quand elle succombe au charme de Cleveland Finzi, bel homme marié à l’épaisse chevelure couleur sable mouillé, puis à celui de Jean-Baptiste Charbonneau, diplomate et écrivain, qui arrive toujours à la surprendre. William Boyd, on le sait, possède un sens incroyable des ambiances, des décors, des émotions, une aisance narrative et une finesse psychologique. Il a la manière pour peindre les contours d’une femme qui n’a jamais eu peur de se confronter aux émeutes, une Amory Clay qui soutient : "nous ne sommes pas des êtres logiques, surtout quand il s’agit d’affaires du cœur". Les vies multiples d’Amory Clay parle de l’imprévisibilité de l’existence, des erreurs que l’on commet, des décisions que l’on prend.

L’auteur des Nouvelles confessions (Seuil, 1988, repris chez Points) et de A livre ouvert (Seuil, 2002, grand prix des Lectrices de Elle, repris chez Points) a encore frappé fort avec un opus à ranger parmi ses plus grandes réussites. Alexandre Fillon

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