7 FÉVRIER - ROMAN France

"Je veus qu'on m'y voie en ma façon, naturelle et ordinaire, sans contantion et artifice : car c'est moy que je peins." Ainsi du projet de Montaigne. François Bégaudeau, pareil, entend scruter son moi mais au prisme de son "engagement" politique. Deux singes ou ma vie politique est un "roman psychologique" assumé. Bégaudeau, François, 40 ans, cherche à comprendre comment il a pu s'être enamouré à ce point de la Chose publique, enivré jusqu'à l'idée de révolution. Et comment il l'a répudiée... Comme dans Adolphe de Benjamin Constant, l'anatomie du désamour >se fait sans concession.

D'où lui est venue la passion politique, cette "cristallisation" ? Certes, Chouchou, surnom donné à ce petit dernier d'une fratrie de trois, a biberonné à l'idéologie de gauche depuis toujours. Fils d'instit' communistes, Chouchou aurait été communiste par atavisme. >Aussi, hormis une courte parenthèse giscardienne en 1981 par pure réaction à son propre milieu, le voilà engagé dans l'extrême gauche, le punk-rock, la culture la vraie - des synonymes... Alors commence le douloureux exercice de lucidité, l'exploration "des coulisses psys de mon petit cirque de la vertu". L'auteur débusque en soi les tartufferies des jeunes élites républicaines et bien-pensantes, hypokhâgneux et autres classes prépa parlant du peuple et vivant à l'écart des "gens". On est contre la société de consommation mais on aime bien consommer quand même tout en se flattant de le faire de manière détachée, comme au second degré... La vérité c'est que notre Saint-Just punk fait tout pour se distinguer du lot, pour éviter d'étreindre la chair de l'existence qui est pourtant le lot de tout un chacun.

C'est un genre singulier qu'invente Bégaudeau, mêlant événements politiques (élection de Mitterrand en mai 1981, manifs contre la loi Devaquet en 1986, Le Pen au second tour le 21 avril 2002), théories philosophiques (Badiou, Rancière, Foucauld, Deleuze), références au cinéma (L'armée des ombres ou Godard) ou à la télé ("Stade 2", "Le loft"), et son double parcours de littéraire et de rockeur alternatif. Genre "bâtard" s'il en est, car c'est bien de ça qu'il s'agit - l'impur de l'expérience. De l'"autoromanesque" qui vibre aux inquiètes pulsations du narrateur.

Quid du titre ? Il s'agit de Boubou, l'animal appartenant à l'un de ses oncles, macaque de l'enfance où le jeune Chouchou singeait l'idéologie ambiante, et du macaque de la voisine que l'actuel François, le quadra, garde et auquel il prodigue des soins. Deux singes comme deux points de l'itinéraire de Bégaudeau, du voyage du rebelle adolescent aux idées aussi radicales qu'abstraites vers l'acceptation d'un monde précaire, mais incarné.


Les dernières
actualités