Cette étourdissante fresque, qui s'étire entre le début du XX^e siècle et la fin des années 1930, s'ouvre sur un paysage désert et silencieux d'Arizona où, dans une mine d'or abandonnée, s'est installé un ancien soldat devenu peintre. Il s'est retiré du monde, loin des hommes et du vide : « La nature finit toujours par digérer les hommes. Elle s'applique à effacer leurs traces dérisoires. » Ces traces, ce sont hélas souvent celles de la cruauté humaine... De fait, non loin de là, une Indienne navajo pleure le massacre du bétail de la tribu, perpétré par des Blancs armés venus en pick-up. Dans ce roman, on se déplace constamment d'une époque ou d'un lieu à l'autre, entre bordels, gratte-ciel et saloons enfiévrés. On suit le destin d'une immigrée finlandaise, Pekka, qui se demande quel nouveau nom elle va adopter en émigrant vers la Californie, puis l'on croise Nathan, qui a tué son beau-père parce qu'il violentait sa mère et sa sœur et qui taille désormais la route avec les hobos et autres vagabonds du rail. On assiste au grand incendie d'Halifax de 1917, au retour des héros de la Grande Guerre qui ramènent aussi la grippe espagnole, puis à l'exposition universelle de Chicago de 1933, pendant la Grande Dépression, où le faste le dispute à la misère des hordes de crève-la-faim errant dans les rues. Le pire ennemi de l'Amérique, c'est finalement son Histoire officielle, écrite par les vainqueurs et déboulonnée ici par des personnages qui ne survivent qu'en n'étant tour à tour victime puis bourreau.