14 mars > Essais France

La ville, les villes sont une écriture, un travail sur le genre. Il y est question, là aussi, de ce qui demeure et de ce qui mute ; des zones grises de la mémoire comme du « bel et vivace aujourd’hui ». En France, où le fait urbain semble comme posé de toute éternité, il y a assez peu de ces arpenteurs qui seraient comme autant d’agents secrets du fait urbain. Peu de place entre les géomètres et les poètes. Peu d’enfants adultérins de Walter Benjamin. Un, tout de même, qui peut écrire quelque chose comme « Une ville, un langage sont un "étant donné", une donne, un domaine ouvert, que l’on voudrait toujours grand ouvert. Quand on y est, à l’intérieur, quand on y pénètre et lorsqu’on s’en souvient. Des noms, encore une fois, suffisent à ouvrir le jeu qui commença sur les atlas de l’enfance. On dit Pérouse ou Portland ou Bombay, Odessa ou Shanghai ou Istanbul et aussitôt un monde est touché, une couleur du monde est atteinte », Jean-Christophe Bailly.

Son propre éditeur, le Seuil, le campe en « auteur indéfinissable ». C’est plutôt bon signe tant l’épuisement même de la notion de définition est au cœur de son travail. Après le magistral Dépaysement (Seuil, 2011), qui lui valut le prix Décembre, il revient avec un essai buissonnier sur la ville, La phrase urbaine, qui se compose pour moitié de textes déjà publiés dans La ville à l’œuvre (Jacques Bertoin, 1992, puis L’Imprimeur, 2001) et d’inédits. Dans le même temps, il publie chez Christian Bourgois Le parti pris des animaux, dans lequel il poursuit sa réflexion sur la condition animale et les menaces qui pèsent sur sa diversité et, partant, notre identité humaine. Dans l’un et l’autre cas il déploie une pensée où l’écriture se fait chair par l’expression d’une langue formée sur l’analogie poétique. L’intelligence y est en habits de fête. C’est très inactuel et, bien sûr, absolument moderne.
O. M.


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