Histoire/France 15 janvier Claire L'Hoër

Brantôme, l'auteur des Vies des dames, disait qu'elle boitait un peu. Mais cela ne déséquilibrait ni sa beauté ni sa grâce. L'image d'Anne de Bretagne (1477-1514) s'est même stabilisée avec la postérité, devenant une icône de l'identité régionale. On a pu constater l'émotion des Bretons lorsque fut dérobé en 2018 le « cœur d'Anne » conservé dans un reliquaire au château de Nantes, trésor retrouvé depuis.

Moins conquérante qu'Isabelle la Catholique, moins machiavélique que Catherine de Médicis, elle s'est installée avec délicatesse dans la galerie des reines de France. Elle a même épousé deux rois ! Veuve de Charles VIII, elle convole avec Louis XII pour exécuter les clauses du contrat de mariage, l'héritière du duché de Bretagne devant épouser le successeur de son époux s'il mourait sans descendance masculine. Elle eut pourtant quatorze enfants avec ses deux maris. Seules deux filles survécurent au-delà de vingt ans. Cela méritait bien que l'on revisite son parcours depuis la biographie de Georges Minois paru il y a vingt ans chez... Fayard.

Claire L'Hoër a adopté un principe aussi simple qu'efficace : la clarté. Pas de notes donc, mais beaucoup de lectures et de références assimilées et distillées avec justesse. Nous voici donc transportés à la cour de Bretagne puis à celle de France en compagnie de cette petite femme - 1 m 47 - au grand esprit. Claire L'Hoër nous rappelle qu'elle fut excellemment éduquée par son père le duc de Bretagne François II et la baronne Françoise de Dinan qui l'accompagnèrent dès la petite enfance, qu'elle parlait le latin, qu'elle possédait une bibliothèque extraordinaire pour son siècle de 1 140 volumes et qu'elle avait le sens de la compréhension des gens. « Juste avec ses amis et magnanimes avec ses ennemis », nous dit Claire L'Hoër. Ce sens politique, mélange de sagesse et de fermeté, lui permit de mener son duché habilement tout en étant aussi reine de France. C'est bien la manière de mener cette double vie qui fascine encore. Jusqu'à sa mort, double elle aussi, puisque son corps est à Saint-Denis et son cœur à Nantes.

L'auteure des Paradoxes de l'histoire (Cherche Midi, 2010) présente bien la dureté d'une époque où les femmes mourraient en couche, où les enfants étaient emportés par des maladies soignées aujourd'hui par quelques comprimés et où les rois étendaient leur territoire autant par les guerres que par les mariages. En remplaçant le personnage dans son contexte, en faisant la part de l'histoire et de la légende, en la montrant femme de son temps où l'on était duchesse à onze ans et vieillarde à trente-cinq, elle permet de comprendre comment cette vie si brève a pu s'imposer comme un exemple de probité, de fidélité à sa région et de son amour pour la France, sans assujettir la première à la seconde. Sans doute faut-il y voir une conséquence de la devise qu'elle s'était choisie : je ne changerai pas.

Claire L’Hoër
Anne de Bretagne : duchesse et reine de France
Fayard
Tirage: NC
Prix: 22 euros ; 300 p.
ISBN: 9782213706184

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