3 JANVIER - ROMAN Suisse

War Games

War Games

Le dernier roman de Laurent Schweizer raconte l'histoire d'un jeu vidéo prenant corps dans le réel et dont les protagonistes sont des jeunes ultraviolents qui tuent, pour de vrai.

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Créé le 28.10.2014 à 17h36 ,
Mis à jour le 05.12.2014 à 18h13

Laurent Schweizer- Photo HERMANCE TIAY/SEUIL

Les réseaux sociaux s'étendent à la surface du globe, la Toile s'insinue dans nos faits et gestes les plus quotidiens. De la commande de pizzas à la géolocalisation d'une adresse en passant par la rencontre intime, de quoi le virtuel ne s'est-il pas emparé ? Si la question du virtuel reste brûlante, ce n'est pas en tant que virtuelle justement, mais en tant que réalité concrète. L'époque assiste à l'abolition de la frontière entre la 3D et le réel, l'image de synthèse n'est pas l'icône, elle n'entend pas rester sur le plan du symbolique. Avec les drones, ces missiles téléguidés, la vraie guerre copie les jeux vidéo. Basé à Dubaï où il est employé par la CIA, le héros de Solarsystem, le dernier roman du Suisse Laurent Schweizer, est un de ces petits génies de l'informatique dont le travail consiste à améliorer l'efficacité des drones. Fonctionnaire de la mort "ciblée", c'est un job qu'il exécute sans barguigner. Un jour un ami, David, le contacte qu'il l'aide à résoudre une affaire impliquant les participants d'un jeu vidéo qui semblerait prendre corps dans la réalité. Ces jeunes ultraviolents qui se nomment les "Warriors" tuent pour de vrai. La catharsis du jeu a laissé place au mimétisme meurtrier. Voilà notre geek chargé d'infiltrer le système de ce "war game" qui tourne au carnage. La résolution du problème est technique, mais l'énigme réelle demeure humaine. Plus le narrateur s'enfonce dans l'enquête, plus l'environnement devient oppressant. Dans cette société narcissique, seul compte le spectacle ; il n'est pas tout à fait innocent qu'un ex-comédien soit au coeur de cette machination dantesque.

Dès son premier livre, Naso lituratus (Actes Sud, 2001), Laurent Schweizer prouve que l'atmosphère est partie prenante de l'intrigue ; il ourdit ses histoires en prenant soin de les envelopper d'une brume inquiétante, un univers proche du cinéma de David Lynch ou des romans façon SF "post-exotique" d'Antoine Volodine : "Dans une lumière d'éclipse anxiogène apparaissent des guerriers adolescents dessinés en 3D. Beaucoup d'entre eux arborent, sur la tête, les membres ou leurs vêtements, des swastikas, des runes ou des symboles ésotériques. Corps musclés sales, sales, brûlés, blessés, visages barbares, cheveux longs, crânes rasés. La sonorisation intègre des morceaux de death metal comme Bodies utilisés par l'armée US pour sidérer les civils irakiens à grande échelle [...]." Ainsi l'écrivain se fait également peintre à la manière d'un Jérôme Bosch pour illustrer cette fable sur la fin de l'image symbolique et l'avènement de la littéralité des signes.

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