23 mai > Récit France

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C’est l’Yvetot de sa jeunesse : la ville jamais nommée des Armoires vides, le premier livre il y a quarante ans, le Y de La place, la ville en toutes lettres de récits ultérieurs, la « ville mythique », « territoire particulier où [elle] a fait son apprentissage du monde et de la vie ». Dans cette petite ville normande, Annie Ernaux, née à Lillebonne, est arrivée à 5 ans à l’automne 1945 et a vécu jusqu’à ses 18 ans, entre le pensionnat Saint-Michel, le « fameux Mail du centre-ville » et le café-épicerie de ses parents, rue du Clos-des-Parts. Le 13 octobre 2012, pour la première fois, elle y est revenue « en tant que femme qui écrit ». C’est cette intervention devant une salle de cinq cents personnes que retranscrit Retour à Yvetot. Référence évidente au Retour à Reims du sociologue bourdieusien Didier Eribon. « Comme si je replongeais dans un endroit où sont restées des couches de moi-même », explique l’écrivaine dans ce texte qui est accompagné d’un cahier photos, d’un dialogue avec la documentaliste Marguerite Cornier, auteure d’une thèse sur l’écrivaine, et d’un échange avec le public.

Yvetot n’est plus Yvetot, ne l’a même jamais été : la ville est celle de la mémoire, « mémoire de la sensation » qui a nourri l’écriture. Ainsi la topographie d’Yvetot, son plan, la géographie sociale de ses quartiers sont devenus littéraires. Evoquant la place centrale de ce lieu dans son œuvre, l’écrivaine reformule ici son projet : « écrire la vie ». A partir de souvenirs singuliers, se faire conservateur d’une mémoire universelle. Elle y raconte aussi un souvenir qui ne figure dans aucun de ses livres, cette odeur d’eau de javel sur les mains qu’elle a violemment associée un jour d’adolescence à sa honte de classe. L’écrivaine décrit encore ce « mode d’emploi de la vie » trouvé dans les livres qui étaient, eux, « le territoire de l’imaginaire ». « La tension » entre la langue parlée populaire de son milieu et la langue littéraire acquise à l’école, et la « négociation dans l’écriture » qui aboutit à la sélection, toujours mystérieuse, des souvenirs qui seront retenus dans les livres.

Après L’autre fille (Nil, 2011) qui explorait le secret entourant sa sœur aînée morte avant sa naissance, Annie Ernaux plonge à nouveau, avec ce Retour à Yvetot, dans le refoulé des origines, dans un élan en forme de réconciliation. V. R.

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