Les parutions de 2013

« Il est bien regrettable que nos ventes n’augmentent pas autant que la production ", lance Anne-Marie Carlier, directrice de la librairie des Halles à Niort. Cette remarque résume bien la problématique à laquelle sont confrontés les libraires avec, d’un côté, une hausse constante de l’offre éditoriale et, de l’autre, une stagnation - quand ce n’est pas une érosion - de la demande. Ainsi, en 2013, la production a encore augmenté de 1,7 %, avec 66 527 nouveautés et nouvelles éditions, tandis que les ventes ont enregistré un nouveau recul de 1 %. Répétées sur dix ans, ces distorsions d’évolution finissent donc par aboutir à un réel paradoxe. D’autant que les surfaces de vente des magasins ne sont pas extensibles. Dans ce contexte, les libraires apprécient fort diversement l’inflation éditoriale.

Chez Goyard, à Nîmes, où la pratique de l’office reste de mise, Clémentine Goyard estime qu’il "est de plus en plus compliqué d’acheter. Lorsqu’on veut diminuer les quantités des grilles, on nous menace parfois de baisser notre remise de base. La pression est très forte et, avec l’augmentation de la production, on a de plus en plus de mal à respecter notre budget." Mais la libraire nîmoise évoque aussi un autre type de problème. "Durant certaines périodes comme octobre, c’est près de 300 kilos de livres qui arrivent chaque jour en magasin. Cela suscite inévitablement des engorgements difficiles à gérer à la réception et en rayons." Dans d’autres librairies, comme Vents des mots à Lannemezan, c’est surtout l’augmentation des retours qui est pointée du doigt. Considérée comme une conséquence de l’inflation éditoriale, elle est parfois très coûteuse.

 

"C’est au libraire de faire des choix."

En revanche, dans les librairies qui ont abandonné l’office, la hausse de la production suscite peu de critiques. "C’est au libraire de faire des choix. Et ce n’est pas plus mal car cela fait partie de notre métier, estime Rémy Ehlinger, patron de Coiffard à Nantes. Nos sélections sont aussi un moyen de donner une certaine couleur à nos rayons et de nous démarquer auprès de nos clients." Sans compter, ajoute le libraire avec philosophie, que "plus il y a de production, moins il y a de risque qu’un bon auteur soit refusé".

 

Reconnaissant que l’augmentation éditoriale a conduit les libraires à "revoir leur politique d’achat et à travailler de plus en plus en amont", Yannick Burtin, à la tête de plusieurs établissements à Paris dont Le Merle moqueur, explique avoir surtout baissé les quantités achetées par titre. "Bien sûr, dans certains secteurs comme le pratique, où les livres sont parfois interchangeables, on sabre. Mais, en littérature, on se permet peu d’impasse, quitte à ne prendre qu’un exemplaire et à être très réactif pour lancer des réassorts si c’est nécessaire." Fort de ces pratiques, le libraire parisien estime même avoir réussi à baisser son taux de retour. En outre, il considère que "l’inflation éditoriale est moins le fait des grandes maisons qui maîtrisent leur niveau de production que des petites…or nous travaillons plus avec les premières qu’avec les secondes".

Consciente très tôt de l’importance d’avoir une offre large mais surtout cohérente, la librairie La Galerne au Havre a créé il y a une quinzaine d’années un poste de responsable des achats, occupé par Anne-Lise Duchemin, également responsable de la librairie depuis deux ans.

Quoi qu’il en soit, pour mener à bien leur travail de sélection, les libraires en appellent aux représentants, bien sûr, mais ils se fient aussi à la connaissance qu’ils ont de leur clientèle ainsi qu’aux outils d’informations sur les ventes comme Datalib. Bien sûr, ajoute Claire Lamotte au Chat pitre, à Fécamp, "je suis aussi attentive aux critiques des médias". De son côté Anne-Marie Carlier, consciente que tous les titres ne concernent pas tous les circuits de vente, insiste sur l’importance de "savoir dire non". "C’est essentiel pour bien acheter et en même temps souvent très difficile… au début tout au moins. Mais cela s’apprend ! " Voilà qui replace la question de la formation au cœur des préoccupations.

C. N.

La production par secteurs en 2013 : 1,7 % de nouveautés et de nouvelles éditions en plus

La production par éditeurs en 2013 : 4 559 éditeurs ont publié au moins 1 titre

 

Par rapport à 2012, on recense seulement 25 éditeurs de plus dans la liste de ceux qui ont publié au moins un titre au cours de l’année. Hormis les scolaires, la plupart des grandes maisons ont développé leur production, par croissance interne ou au travers d’acquisitions.

 

Les dix groupes les plus productifs de 2013. Nombre de nouveautés et de nouvelles éditions en français. Source : Livres Hebdo/Electre

A 4 559 en 2013, le nombre d’éditeurs ayant publié au moins un titre dans l’année (nous recensons dans ces pages ceux qui en ont produit au moins 45) s’étoffe de 25 (+ 0,6 %), soit sensiblement moins qu’en 2012 (74) et 2011 (123). Parallèlement, d’après nos données Livres Hebdo/Electre, la part de la production totale réalisée par les dix groupes les plus productifs se renforce de 36,6 % à 37,2 % à un an d’intervalle. Ils ont produit l’an dernier 24 724 des 66 527 nouveautés et nouvelles éditions de l’année. L’intégration de Payot & Rivages à Actes Sud n’y est pas pour rien. Mais la plupart des maisons et groupes les plus productifs ont développé leur production en 2013, en croissance interne ou par le jeu des acquisitions. Hachette, Editis et Média-Participations sont chacun à + 3 %. Madrigall est à + 2 %, La Martinière à + 5 %, Actes Sud à + 55 %, Bayard à + 7 %. Seule la production de nouveaux titres de L’Harmattan, Albin Michel et Delcourt marque le pas, respectivement de - 1 %, - 7 % et - 9 %.

Les éditeurs scolaires, rendus prudents par l’absence de réforme des programmes, ont limité les frais : la production stagne ou diminue chez Hachette Education, Nathan et Nathan Technique, Hatier, Foucher et Magnard, même si elle s’élève légèrement chez Bordas. Mais les stratégies sont plus contrastées dans les autres secteurs. En jeunesse, le nombre de nouveaux titres grimpe chez Hachette, Actes Sud, Bayard, La Martinière, Seuil et Flammarion-Père Castor, même s’il baisse chez Gallimard, Nathan Jeunesse et Milan. En pratique, il croît fortement chez Hachette Pratique, Marabout, Gallimard Loisirs, Lonely Planet et modérément chez Solar, quand il reste stable chez Hachette Tourisme et diminue aux Nouvelles éditions de l’université (Petit Futé). En poche, il progresse chez Pocket, J’ai lu, Points et 10/18, alors qu’il recule au Livre de poche. En BD, la production augmente chez Bamboo et Pika, demeure stable chez Glénat et Ki-oon, mais baisse chez Casterman, Kana, Kaze, Delcourt, Soleil et Tonkam.

F. P.


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